Pharmacie : la désertification officinale

La France va-t-elle bientôt manquer d’officines ? Les déserts médicaux vont-ils laisser place à des déserts sanitaires lorsque, après les médecins et les infirmiers, les pharmaciens auront quitté les zones rurales et périurbaines ? La situation démographique de la profession, autant que son manque manifeste d’attractivité, augurent un avenir incertain voire inquiétant.

Près d’un tiers d’étudiants en pharmacie manquaient à l’appel en 2022

Et on ne pourra pas compter sur les futures générations de pharmaciens pour pallier ce manque de professionnels de santé, maillon essentiel de notre système de soin.

 À la rentrée universitaire 2022-2023, la Conférence des Doyens des Facultés de Pharmacie de France déplorait un déficit d’inscrits en deuxième année des études de pharmacie de près de 30% en moyenne : 1100 places sur 3800 sont restées vides dans les amphis du territoire.

Pourquoi le pharmacien d’officine ne séduit plus ?

Cette pénurie de pharmaciens d’officine est symptomatique d’une tendance de fond : le métier n’attire plus. Parmi les raisons invoquées pour expliquer cette désaffection : des promesses de revenus insuffisamment attractifs pour des horaires contraignants, qui ne collent pas avec les nouvelles attentes des jeunes diplômés, en quête d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
En cause également : des coûts d’installation de plus en plus élevés qui, malgré les systèmes de financement et des taux de rentabilité intéressants, découragent les pharmaciens-entrepreneurs… Qui préfèrent, de plus en plus souvent, se tourner vers d’autres voies, à commencer par l’industrie pharmaceutique.

Un maillon du parcours de soin indispensable

Pourtant, l’assiduité du pharmacien à son comptoir est plus que jamais indispensable à notre système de soin. À l’heure où les zones rurales et les grandes périphéries se vident de leurs médecins et infirmiers, l’officine est souvent le dernier refuge des patients, et le pharmacien le premier acteur du parcours de soin. Les pharmacies garantissent encore aux Français un accès sans rendez-vous à un professionnel de santé à moins de 4 km en moyenne de leur lieu d’habitation. Le risque est grand, si elles continuent à disparaître, de voir des déserts médicaux, après le départ du médecin et de l’infirmier, se transformer par effet domino en déserts sanitaires.

Des professionnels sortis renforcés mais aussi exténués de la pandémie de Covid

La crise du Covid est également passée par là. En première ligne, les pharmaciens se sont vu confier de nouvelles missions de prévention, avec notamment le dépistage et la vaccination. Plus indispensables que jamais, ces professionnels de santé se sont, comme beaucoup d’autres, découragés, épuisés à la tâche. Et nombreux sont ceux qui ont choisi de raccrocher leur blouse au sortir de la pandémie.
Conséquence concrète : le rythme de fermetures d’officines s’intensifie. 1740 ont disparu en dix ans, dont plus de 200 en 2022. Et nombreuses sont celles qui, pour survivre sans les ressources humaines suffisantes, doivent adapter leur fonctionnement, en réduisant notamment leurs horaires d’ouvertures.

Comment limiter la pénurie de pharmaciens d’officine ?

Et le pire est à venir. Pour Gaël Grimandi, président de la Conférence des doyens des facultés de pharmacie de France, interviewé par Le Monde en janvier dernier, « la catastrophe tombera sur le système de santé d’ici six ans », lorsque les futurs pharmaciens arriveront sur le marché de l’emploi.
Parmi les axes de travail pour tenter de limiter les conséquences de la pénurie : une mise en lumière du métier de pharmacien d’officine auprès des lycéens, qui semblent le méconnaître totalement et le considèrent comme un simple job de vendeur de médicaments, sans perspective d’évolution convaincante. Mais aussi une remise à plat du système d’entrée dans les études de pharmacie (permettant aux bacheliers d’entrer directement en première année de pharmacie via la plateforme Parcoursup) pour, notamment, limiter la concurrence avec médecine et odontologie, les deux seules voies encore considérées aujourd’hui comme « royales ».
Mais deux ans seulement après la réforme des études de santé, l’heure ne semble pas à la remise en question du côté du ministère de l’Enseignement supérieur…
Peut-être faudra-t-il alors compter sur l’une des pistes suggérées par l’Ordre national des pharmaciens pour limiter les conséquences de cette crise démographique, en facilitant la reconnaissance, en France, des pharmaciens diplômés à l’étranger. 

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