Souvenez-vous, c’était il y a 4 ans. Le 17 mars 2020, débutait en France le premier confinement en raison de la pandémie de la Covid-19. Au-delà des restrictions de déplacement et d’activités qui ont marqué les Français, la pandémie a également profondément touché l’activité hospitalière, une activité qui n’est toujours pas revenue à son niveau antérieur, d’après le premier baromètre publié par la Fédération Hospitalière de France (FHF) et France Info.
La Covid-19, un avant et un après pour l’activité hospitalière
Les chiffres de l’activité hospitalière de l’année 2020, publiés par la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) en 2022, démontrent l’impact de la crise sanitaire sur le système de soins. Au cours de l’année 2020, les journées d’hospitalisation partielle ont diminué de 24,2 %, les séjours en hospitalisation complète de 15,4 % (en excluant les causes d’hospitalisation pour une Covid-19). Sur la période 2019-2023, la FHF estime qu’un total de 3,5 millions de séjours à l’hôpital n’ont pas eu lieu.
Parallèlement, les tendances initiées sur les précédentes années ont été stoppées nettes, comme la progression de l’hospitalisation partielle et la diminution de l’hospitalisation complète. Depuis ces quatre années, comment ont évolué les chiffres ? L’activité hospitalière a-t-elle repris comme en 2019, avec les mêmes tendances ?
Des questions en filigrane de la parution du premier baromètre de la FHF, qui se décompose en deux volets :
- L’évolution de l’activité hospitalière depuis le début de la pandémie de la Covid-19 ;
- Un sondage IPSOS sur l’accès aux soins des Français.
L’activité hospitalière progresse à nouveau, mais laisse une dette de santé publique
En 2023, après trois années consécutives de baisse, l’activité hospitalière progresse à nouveau en France et atteint presque les niveaux d’avant la crise sanitaire. Pour autant, les données révèlent un manque de recours aux soins par rapport aux besoins attendus pour la population française, et ce dans plusieurs spécialités médicales :
- La médecine digestive (-11 %) ;
- La neurologie (-11 %) ;
- La rhumatologie (-12 %) ;
- La cardiologie (-13 %).
Ce sous-recours aux soins médicaux concerne presque exclusivement des patients de plus de 45 ans et pourrait représenter plus de 400 000 séjours hospitaliers.
La chirurgie n’est pas épargnée par cette tendance et notamment le domaine de la transplantation. Les greffes sont en recul en France de 7,5 %. Ce chiffre représente un total de 3 200 greffes qui n’auraient pas été réalisées, majoritairement des transplantations rénales (2 200). Les données publiées par l’Agence de la Biomédecine sur les activités de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus confirment que les objectifs du plan greffe ne sont pas atteints, malgré une reprise des activités de greffe depuis 2021.
Ce sous-recours aux soins, en médecine comme en chirurgie, témoigne de la persistance d’une dette de santé publique, même depuis la fin de la pandémie. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré la fin de l’urgence sanitaire mondiale en mai 2023.
Des pertes de chances immédiates et à long terme pour les Français
Comment expliquer la timide reprise de l’activité hospitalière ? Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le sous-recours aux soins depuis la pandémie de la Covid-19 :
- La mise en place de nouvelles techniques, notamment la téléexpertise et la téléconsultation ;
- De nouvelles organisations dans les établissements de santé ;
- Un renforcement des actions de prévention, comme la vaccination ;
- Les tensions sur les effectifs des personnels de santé ;
- Les capacités d’accueil toujours réduites dans nombre d’établissements hospitaliers (une augmentation des lits hospitaliers est envisagée pour l’année 2024) ;
- Le renoncement aux soins des Français ;
- Les retards de prise en charge.
S’il est probable que tous ces facteurs soient imbriqués dans le sous-recours aux soins encore actuellement observé, la FHF alerte sur les conséquences pour la santé des Français. Le renoncement ou le retard dans les dépistages de cancer par exemple constituent une véritable perte de chance. Depuis 2020, plus de 260 000 endoscopies diagnostiques n’auraient pas été réalisées. Au cours des 5 dernières années, un Français sur deux a déjà vécu un retard de soins à l’hôpital, en raison de la saturation des services de soins ou de l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous.
La Covid-19, un révélateur des fragilités du système de soin ?
Les Français perçoivent eux-mêmes une dégradation de la situation depuis la Covid-19. Parmi les Français atteints d’une pathologie chronique (soit 12 millions de Français en 2021), 40 % constatent une dégradation de leur prise en charge médicale depuis la pandémie. Des difficultés d’accès aux soins parfois renforcées par des difficultés économiques. Plus de 60 % des Français ont déjà renoncé à au moins un acte de soins au cours des 5 dernières années.
La pandémie de la Covid-19, au-delà de son impact immédiat sur la santé des Français, a révélé, au travers de l’activité hospitalière, les fragilités du système de soins : tensions hospitalières, saturation et recours inadapté aux services d’urgence, insuffisance du lien ville – hôpital, renoncement aux soins, …. D’ailleurs, en novembre 2022, dans son avis n°140, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) avait souligné que “la situation tendue de l’hôpital public constituait le symptôme le plus saillant de la crise du système de soins”.
Quatre ans après la pandémie de la Covid-19, restent de multiples défis à relever pour faire évoluer le système de soins et ne pas impacter durablement la santé des Français !
Sources
- L’activité en hospitalisation 03 complète et partielle. DREES. Les établissements de santé. édition 2022. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-07/Fiche%2003%20-%20L%E2%80%99activit%C3%A9%20en%20hospitalisation%20compl%C3%A8te%20et%20partielle.pdf
- Présentation du premier baromètre FHF – France Info : Hôpital public, recours aux soins : quatre ans après le début de la pandémie, où en sommes-nous ? Fédération hospitalière de France. 18 mars 2024. https://www.fhf.fr/actualites/communiques-de-presse/presentation-du-premier-barometre-fhf-france-info-hopital-public-recours-aux-soins-quatre-ans-apres
- Chiffres de l’activité du prélèvement et de la greffe d’organes en 2022. Agence de la Biomédecine. 8 février 2023. https://presse.agence-biomedecine.fr/chiffres-2022-de-lactivite-de-prelevement-et-de-greffe-dorganes-et-de-tissus-et-baromete-2023-sur-la-connaissance-et-la-perception-du-don-dorganes-en-france/