Aurions-nous perdu la mémoire de l’immunité contre la grippe ?
Après deux années pendant lesquelles des maladies saisonnières comme la grippe, la bronchiolite ou encore la gastro-entérite se sont plutôt faites discrètes, force est de constater un fort regain de ces infections. Délaissement des gestes barrière, multiplication des contacts, les explications à cette recrudescence des maladies saisonnières et plus particulièrement de la grippe se multiplient. Dans le monde scientifique, l’idée d’une perte de la mémoire immunitaire surgit également.
Une dette immunitaire après deux années particulières ?
C’est un fait, pendant deux ans, nous avons été beaucoup moins exposés aux virus respiratoires. Dès lors, certains spécialistes comme Olivier Lambotte, professeur d’immunologie à la faculté de médecine Paris-Saclay avancent que, non confronté à ces virus pendant une longue période « notre corps, qui garde en mémoire le souvenir de ses ennemis, a oublié ses agresseurs ». Conséquence de cette perte de mémoire, il ne sait plus comment les combattre. D’autres scientifiques expliquent cette perte de mémoire par un autre phénomène. Ils étudient ainsi la possibilité que le SARS-CoV-2 puisse « effacer » la mémoire immunitaire bâtie contre d’autres virus en tuant ou affectant les lymphocytes B ou T mémoire. Les personnes infectées par la Covid seraient alors plus vulnérables à des infections ultérieures avec d’autres virus. D’autres scientifiques nuancent cette idée de perte de la mémoire ou de dette immunitaire en mettant davantage en avant l’idée d’une dette d’exposition vécue par notre corps. En effet, moins exposé à certains virus du fait des confinements successifs, de l’obligation du port du masque, notre corps n’a pas eu à fabriquer les anticorps correspondants pendant cette période. Il a toujours été et est donc toujours capable de réagir face à la grippe, mais un déficit en anticorps l’amène aujourd’hui à réagir potentiellement plus vivement à la maladie, à guérir moins vite. Notre système immunitaire n’a donc pas été affaibli. De nouveau confronté à des virus comme la grippe, il réagit ainsi pour développer à nouveau les anticorps nécessaires.
L’industrie de santé prête à répondre à la recrudescence de la grippe
Si cette augmentation des cas de grippe peut se comparer à une sorte de rattrapage immunitaire, il n’en reste pas moins que cette recrudescence de la maladie représente un risque pour les personnes fragiles (nourrissons, personnes âgées, malades chroniques). Prévoyant une augmentation conséquente des cas de grippes en France, comme cela a pu être le cas en Australie où le taux d’attaque du virus de la grippe a été l’un des plus élevés des dix dernières années, les laboratoires pharmaceutiques ont anticipé une production plus importante des vaccins contre la grippe. Sanofi Pasteur a ainsi augmenté sa production de 25% en vue de la campagne qui a commencé le 18 octobre dernier.
Qu’il s’agisse d’une perte de la mémoire, d’un déficit d’exposition, l’augmentation des cas de grippe montre que la maladie est toujours là. Il est aussi nécessaire de souligner l’importance de ne pas relâcher les efforts concernant la vaccination contre la Covid-19 parallèlement à la vaccination contre la grippe. Cette nécessité est, en effet, renforcée par des données britanniques qui démontrent que les personnes infectées à la fois par la grippe et la Covid ont cinq fois plus de risques de mourir que les personnes non infectées.