Vers une harmonisation européenne de l’évaluation des médicaments innovants ?!

Le 12 janvier 2025 marque un tournant dans l’évaluation des technologies de santé en Europe, avec le début de la mise en œuvre progressive du règlement européen 2021/2282 sur l’évaluation des technologies de santé, lancé en 2022. À terme, une évaluation commune de l’ensemble des médicaments et produits de santé remplacera l’évaluation effectuée par chaque pays. Une évolution dans laquelle la France espère jouer un rôle clé et qui peut contribuer à faciliter l’accès aux médicaments innovants.


Une évaluation clinique commune pour toutes les technologies de santé

En 2030, tous les nouveaux médicaments devront être évalués selon la procédure d’évaluation commune européenne, décrite dans le règlement européen. Les objectifs sont multiples :

  • Un seul dossier à remplir pour les laboratoires et sociétés pharmaceutiques ;
  • Des procédures administratives harmonisées et simplifiées pour les États membres ;
  • Un accès aux médicaments innovants accéléré pour les patients.

 

Ensemble, les États membres vont se pencher sur quatre types de productions scientifiques :

  • L’évaluation clinique commune (Joint Clinical Assessments – JCA) ;
  • La consultation scientifique commune (Joint Scientific Consultations – JSC) ;
  • L’identification des technologies de santé émergentes (Emerging Health Technologies – EHT) ;
  • Le guide méthodologique et procédure (Development of Methodological and Procedural Guidance – MPG).

 

À l’horizon 2030, l’évaluation clinique commune s’appliquera à toutes les technologies de santé, à savoir :

  • Les médicaments ;
  • Les dispositifs médicaux ;
  • Les tests diagnostiques ;
  • Les applications numériques ;
  • Les thérapies cellulaires ou géniques.

 

Tous les pays européens pourront participer et/ou contribuer aux évaluations cliniques communes, permettant une mise en commun de l’ensemble des expertises européennes en matière de médicament. En France, c’est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui est chargée de déployer le nouveau règlement européen.


Réunir les expertises européennes en matière de médicament

L’évaluation commune des médicaments innovants constitue une avancée pour les patients et les professionnels de santé européens, car elle devrait permettre une simplification administrative et un accès plus précoce aux médicaments innovants. Certains industriels du secteur pharmaceutique craignent pourtant un ralentissement des sorties de nouveaux médicaments en Europe, en lien avec :

  • Une augmentation significative du nombre de critères d’évaluation : alors qu’en France actuellement deux à trois critères sont pris en compte, l’évaluation européenne en fixe 15 ou 16 ;
  • Un allongement de la durée de l’évaluation : les experts estiment que la charge de travail pour chaque évaluation sera multipliée par 4 par rapport à l’évaluation au niveau national ;
  • La constitution et l’organisation des groupes de travail, avec des experts venus des quatre coins de l’Europe : la HAS souhaite notamment s’investir pleinement dans cette démarche et être co-rapporteuse dans la moitié des évaluations menées en 2025.

 

Face à ces craintes, l’Europe se veut rassurante, indiquant un délai maximal de 30 jours entre la demande d’AMM et la fin de l’évaluation clinique commune. L’objectif est que les États membres disposent à la fois de l’AMM et de l’évaluation clinique commune pour statuer sur la prise en charge et le remboursement des nouveaux médicaments.


Un accès plus rapide aux médicaments innovants ?

Les évaluations cliniques communes ne comportent en effet pas d’évaluation médico-économique, ni d’appréciation de la valeur thérapeutique de la technologie de santé évaluée. Ces deux points restent déterminés par la Commission d’évaluation de la HAS. Ainsi, la demande d’évaluation clinique commune pour une nouvelle technologie de santé, déposée auprès des autorités de santé publique européenne, devra être doublée d’une demande d’évaluation auprès de la HAS pour la prise en charge et la tarification sur le territoire français.

Si l’évaluation clinique commune met sur un pied d’égalité tous les pays européens, les patients européens ne pourront bénéficier des médicaments innovants, qu’une fois que les autorités nationales auront statué sur la prise en charge et le remboursement. Il est donc probable que tous les patients européens ne puissent pas disposer de ces nouveaux traitements au même moment, ni dans les mêmes conditions. D’après les chiffres de la CNAM, il faut compter en France un délai d’évaluation moyen de 176 jours par la Commission de la Transparence de la HAS après dépôt de la demande de remboursement.

Les dispositifs d’accès précoce mis en place en France devraient permettre un accès rapide aux médicaments innovants. D’après le LEEM, 17 % des nouveaux médicaments autorisés entre 2018 et 2021 sont disponibles grâce à ces dispositifs, qui permettent de réduire de près d’un an le délai d’accès du premier patient au médicament innovant.

Les premières évaluations cliniques communes ont débuté en janvier 2025 avec l’évaluation de nouvelles substances actives en oncologie et certains dispositifs médicaux à haut risque. Dès 2028, les groupes de travail se pencheront sur les traitements des maladies rares et orphelines, avant la généralisation en 2030 à toutes les technologies de santé. Cette harmonisation européenne est une opportunité majeure pour faciliter l’accès des Européens aux innovations thérapeutiques et pour renforcer l’Union européenne de la santé. Les premières évaluations cliniques communes devraient permettre d’ajuster le dispositif et d’en percevoir les effets.


Sources

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