Bonnes pratiques

Les “nouvelles missions” des pharmaciens, l’avenir de l’officine ?

20/02/2025

Bilans partagés de médication, entretiens pharmaceutiques, compétences vaccinales, tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), délivrance sans ordonnance des antibiotiques, bilans de prévention, … la liste des nouvelles missions des pharmaciens ne cesse de s’allonger au gré des avenants de la convention nationale pharmaceutique. Comment les pharmaciens d’officine s’emparent-ils de ces nouvelles compétences ? Les nouvelles missions peuvent-elles redessiner l’économie de l’officine ?

Focus sur les nouvelles missions de l’officine

Le cœur de métier de l’officine est depuis toujours – et reste encore aujourd’hui – le médicament. Depuis quelques années, de nouvelles missions ont été confiées aux pharmaciens en parallèle de leur rôle clé dans la délivrance et le bon usage des médicaments et dispositifs médicaux :

Les entretiens pharmaceutiques conventionnés : les entretiens pour les patients asthmatiques, les entretiens pour les patients sous anticoagulants oraux, les patients sous anticancéreux oraux et depuis le mois de janvier 2025 les entretiens pour les patients sous antalgiques de palier II opioïdes ;
L’entretien conventionné de la femme enceinte axé sur le risque médicamenteux pendant la grossesse et l’importance de la vaccination ;
Les bilans partagés de médication, pour réduire les risques liés à la polymédication en particulier chez les personnes âgées ;
La prescription et l’administration de l’ensemble des vaccins du calendrier vaccinal chez les sujets de 11 ans et plus à l’exception des vaccins vivants atténués chez les sujets immunodéprimés ;
La remise de kits de dépistage du cancer colorectal dans le cadre du programme national de dépistage ;
Les bilans de prévention, dans le cadre de l’opération “Mon bilan prévention” ;
La réalisation des TROD (cystite, angine, Covid-19, …) ;
La délivrance sans ordonnance des antibiotiques dans la cystite aiguë simple et l’angine.

D’autres missions pourraient venir compléter les nouvelles compétences des pharmaciens dans les prochains mois ou les prochaines années, comme la prescription des substituts nicotiniques ou la réalisation d’entretiens personnalisés de vaccination.

Les nouvelles missions, une opportunité pour les pharmaciens ?

Même si certaines de ces missions sont attendues, leur arrivée successive impose quelques contraintes aux pharmaciens et à leurs équipes officinales :

Se former, par exemple à la prescription et à l’administration des vaccins ;
Mettre en place la nouvelle mission, notamment aménager les locaux de l’officine pour répondre aux exigences techniques de certaines missions ;
Organiser les différentes missions au sein de l’équipe officinale, entre autres prévoir des plages horaires pour la réalisation des entretiens pharmaceutiques.

Ce qui peut apparaître initialement comme des contraintes, peut aussi être perçu comme de nouveaux défis pour les pharmaciens et les équipes officinales. Les nouvelles missions permettent de mobiliser et de renforcer leurs compétences, de conforter leur statut de spécialiste du médicament, et de reconnaître le pharmacien comme un professionnel de santé de premier recours. Les pharmaciens se sont d’ailleurs emparés de ces nouvelles missions ces dernières années.

D’après les chiffres publiés en décembre 2024 par l’Assurance maladie, dans le cadre de l’Observatoire de l’économie officinale, entre janvier et octobre 2024, les pharmaciens ont largement vacciné, 98 % contre la grippe saisonnière, 90 % contre la Covid-19 et 93 % d’autres vaccins du calendrier vaccinal. Sur la même période, le nombre de TROD angine effectués en pharmacie a bondi de 190 % par rapport à l’année précédente. Parallèlement, 99 % des pharmacies françaises ont distribué des kits de dépistage du cancer colorectal, soit une hausse de 1 447 % par rapport à l’année 2023. Un chiffre impressionnant alors que le taux de participation des Français au dépistage du cancer colorectal peine à atteindre les objectifs des autorités de santé publique.

Vers une métamorphose de l’économie de

l’officine ?

Si certaines nouvelles missions sont désormais proposées dans une grande majorité de pharmacies sur le territoire, d’autres restent limitées à certaines officines, en particulier les entretiens pharmaceutiques. Les entretiens courts de la femme enceinte sont proposés dans 30 % des pharmacies, les entretiens des patients sous anticoagulants oraux ou anti-asthmatiques dans 9 % des pharmacies. Les difficultés de mise en place et d’organisation, ainsi qu’une rémunération souvent considérée comme trop faible sont régulièrement mises en avant par les organisations professionnelles pour expliquer le manque d’adhésion des pharmaciens à certaines nouvelles missions.

L’ensemble de ces nouvelles missions ne représentent qu’une faible partie de l’économie de l’officine, qui dépend toujours majoritairement du médicament. Or l’économie officinale apparaît de plus en plus fragile. Les enquêtes menées auprès des officines révèlent que plus de la moitié des officines françaises seraient en difficulté financière. Et chaque année, plus de 200 officines ferment définitivement leurs portes, en particulier en milieu rural.

A l’heure où l’Assurance maladie propose de réaliser des économies à hauteur de 425 millions d’euros sur les médicaments, la multiplication des nouvelles missions pourrait-elle réduire la part du médicament dans l’économie officinale ? Pour y parvenir, une métamorphose de l’économie officinale est nécessaire. Les marges sur les médicaments, y compris sur les médicaments onéreux et les biosimilaires, constituent un enjeu clé. Mais la rémunération, directe et sous forme de ROSP, des nouvelles missions doit également être à la hauteur des enjeux liés à la pérennité du réseau officinal français. Les pharmaciens doivent pouvoir, dans les meilleures conditions possibles, continuer à assurer pleinement leur rôle de spécialiste du médicament, tout en déployant de nouvelles missions au plus près des patients.

Sources