Dans un rapport publié par la DREES en 2018 sur la démographie médicale en France, il était déjà question des difficultés d’accès aux médecins généralistes et spécialistes et des enjeux liés aux études de santé. En 2010, a été mise en place la première année commune aux études de santé (PACES), très rapidement critiquée à la fois par les étudiants eux-mêmes et par les ordres professionnels. Depuis, plusieurs évolutions ont été mises en place, mais nombreux sont ceux qui attendent des mesures plus fortes pour améliorer l’accès aux études de médecine et garantir l’accès aux soins pour tous les Français.
Vers un retour d’une première année commune ?
Alors que la création de la PACES s’était déjà confrontée à de nombreuses critiques, la réforme de l’accès au premier cycle des formations de santé, annoncée fin 2018 et mise en œuvre en 2020-2021, a connu rapidement le même sort. Parallèlement à la fin du numerus clausus – avec l’objectif d’augmenter les effectifs de professionnels de santé en quelques années -, la PACES a laissé la place à trois parcours distincts pour accéder aux études de santé :
- Le PASS, le parcours d’accès spécifique santé avec une mineure d’une autre discipline (l’essentiel de l’enseignement se concentre sur la santé) ;
- La LAS, la licence d’accès santé avec une mineure santé (l’essentiel de l’enseignement se concentrant sur une autre matière : droit, économie, sport, …) ;
- Les formations paramédicales.
En décembre 2024, la Cour des Comptes a publié un rapport pointant du doigt cette réforme. Elle considère que l’accès aux études de santé s’est complexifié et que les différents parcours ne donnent pas un accès équitable aux parcours de formation en santé. Le PASS reste la voie consacrée, 44 % des étudiants de cette filière intégrant des études de santé (médecine ou autre) dans les deux années qui suivent. Un chiffre qui ne s’élève qu’à 19 % dans la filière LAS. Présentée comme une filière de diversification des profils en santé et de facilitation des passerelles entre les différentes formations, la LAS ne semble pas répondre à l’objectif d’être une voie d’accès aux études de santé. La Cour des Comptes plaide ainsi pour un retour à une entrée unique vers les études de santé, sous la forme d’une licence à la fois générale et scientifique majoritairement tournée vers la santé. Pilotée par les facultés de santé (médecine, pharmacie), elle permettrait aux étudiants de se présenter au concours en fin de première année, et d’être réorientés en cas d’échec vers d’autres filières.
Réduire la durée des études de médecine
Une telle réforme, souhaitée par la Cour des Comptes pour la rentrée 2026, pourrait-elle réellement répondre aux enjeux actuels de la formation et de la démographie médicale ? Des voix s’élèvent pour proposer d’autres solutions. Un membre de l’Académie nationale de chirurgie, le Pr. Didier Gosset (également doyen honoraire de la faculté de médecine de Lille), s’est récemment prononcé pour une réduction de la durée des études de médecine de deux années, ce qui permettrait de former près de 20 000 médecins supplémentaires d’ici 5 ans. Selon lui, le premier cycle des études de santé tel qu’il existe aujourd’hui favorise à la fois les échecs, les abandons et des différences importantes de niveau entre les étudiants.
Comme la Cour des Comptes, le Pr. Gosset se prononce en faveur d’une suppression de la filière LAS pour un retour à une première année commune. Il relance également l’idée d’une présélection des étudiants sur dossier et entretien, un sujet qui est toujours resté tabou en France, alors qu’il existe dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni. Pour lui, réduire de deux années les études de médecine est possible en introduisant très rapidement la clinique dans le cursus.
En France, les études de médecine durent 10 ans pour les médecins généralistes et entre 10 et 12 ans pour les médecins spécialistes. Des durées qui diffèrent dans les pays voisins. En Allemagne, la durée des études universitaires de médecine est de 6 ans, auxquels s’ajoutent 5 à 6 ans de spécialisation. En Espagne, elles durent entre 9 et 11 ans. En Italie aussi, l’idée d’une réduction des études de médecine d’une année a été avancée.
Des enjeux sur toute la durée du cursus universitaire et même au-delà
A ce débat sur l’accès aux études de santé, s’ajoutent au moins deux autres questions essentielles :
- La répartition des étudiants dans les différentes filières de santé ;
- Les abandons en cours de cursus ou les arrêts d’exercice très rapidement après la fin des études.
Dans le système actuel, se retrouvent ensemble des étudiants qui souhaitent devenir médecins, pharmaciens, sage-femmes, dentistes, etc. Des métiers très différents. L’organisation du premier cycle ne permet pas toujours aux étudiants de s’orienter vers la filière souhaitée. Le numerus clausus a laissé la place au numerus apertus (un arrêté fixe chaque année le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre leurs études dans les différentes filières). Sans pouvoir s’orienter vers le métier de santé voulu, des étudiants abandonnent, se réorientent ou partent à l’étranger. D’après un article publié dans le Quotidien du Médecin en mai 2024, plus de 5 000 étudiants français auraient quitté les bancs des facultés françaises pour rejoindre ceux d’autres pays en Europe ou ailleurs. D’après des données publiées par l’Étudiant en 2023, trois étudiants sur 5 désertent les études de santé au terme de la première année de PASS ou de LAS. Et les abandons se poursuivent tout au long du cursus. Chaque année, entre 150 et 300 étudiants abandonnent la médecine. Certains médecins, une fois formés, n’exercent jamais leur métier, et d’autres le quittent après seulement quelques années d’exercice.
Au-delà des enjeux liés à l’accès aux études de santé et au premier cycle des études de médecine, il apparaît essentiel de refondre le cursus de formation des professionnels de santé, puis d’améliorer leurs conditions d’exercice pour que la démographie médicale de demain puisse répondre aux besoins en santé de la population française.
Sources
- Hospimedia. Une proposition vise à réduire de deux ans les études médicales. 13 janvier 2025. https://abonnes.hospimedia.fr/articles/20250108-formation-l-academie-nationale-de-chirurgie-preconise-une?utm_source=https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20250109-formation-une-proposition-vise-a-reduire-de-deux&utm_medium=publicSite&utm_campaign=redirection&utm_term=logged
- Cour des Comptes. L’accès aux études de santé. 11 décembre 2024. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lacces-aux-etudes-de-sante
- Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Etudes de santé. Consulté le 15 janvier 2025. https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/etudes-de-sante-50672