Revues vertueuses

Revues vertueuse

Quelles publications scientifiques pour la recherche de demain ?

La plus ancienne revue scientifique, Philosophical Transactions, a fêté ses 350 ans en 2015. Des premières revues scientifiques aux plus récentes, leur objectif est de permettre aux chercheurs de diffuser les résultats de leurs travaux à leurs pairs, pour ainsi faire avancer la science et la recherche. Mais les revues actuelles favorisent-elles toujours autant cette diffusion ?

 

Un essor considérable de la publication scientifique

La pandémie de Covid-19 a provoqué bien des bouleversements, parmi lesquels une hausse sans précédent des publications scientifiques. Une plateforme en ligne – LitCovid – a même été créée. À ce jour, cette plateforme recense pas moins de 438 330 publications, publiées dans 8 000 journaux différents. Entre 2020 et 2021, près de 2 300 articles étaient publiés chaque semaine, en lien avec la Covid-19.

Depuis, le phénomène persiste et s’étend à d’autres domaines de la recherche scientifique et médicale. Entre 2016 et 2022, le nombre d’articles scientifiques publiés dans le monde a bondi de 47 %, passant d’environ 1,9 millions par an en 2016 à 2,8 millions par an en 2022. Parallèlement, le nombre de chercheurs a peu évolué (hausse de 16 % entre 2015 et 2022), suggérant une hausse de la dynamique de publication.

Une telle hausse de la parution scientifique signifie-t-elle que davantage de chercheurs peuvent publier leurs travaux ? Ou au contraire traduit-elle une évolution des pratiques éditoriales ?

 

De nouvelles règles dans le monde de la publication scientifique

La multiplication des articles scientifiques pendant la crise sanitaire de la Covid-19 a rapidement interpellé plusieurs spécialistes. Durant cette période, certaines revues scientifiques prestigieuses pouvaient recevoir plus d’une centaine de manuscrits par jour, pour au final en publier seulement 2 à 3 %. Comment, dans de telles conditions, trouver suffisamment de “reviewers” pour relire et évaluer ces manuscrits ? Cette situation a contraint certains éditeurs à mettre en place une revue rapide des manuscrits pour une publication express, avant une revue plus approfondie dans un second temps.

Parallèlement, ont surgi des plateformes de preprint, comme MedRxiv et BioRxiv. Accessibles à tous gratuitement, ces plateformes diffusent une grande quantité de contenus, mais sans les étapes de revue et d’évaluation par des examinateurs. D’après les données, entre 40 et 60 % des contenus sur la Covid-19 présents sur ces plateformes ont ensuite fait l’objet d’une publication dans une revue à comité de lecture. Les autres contenus n’ont ainsi jamais été évalués.

Enfin, d’autres règles de publication ont évolué ces dernières années :

  • L’arrivée des revues en accès ouvert (Open Access), dont une large partie requiert le paiement de frais de publication (les APC, Article Processing Charges) par les auteurs de l’article. Pour les lecteurs, les revues en accès ouvert offrent un accès libre et grauit, mais une récente étude montre que les APC sont en forte hausse ces dernières années, augmentant de fait le coût de la publication ;
  • L’essor des numéros spéciaux, qui sont passés en quelques années d’une sélection des meilleurs travaux sur un thème donné à l’invitation de rédacteurs incités à mobiliser un réseau de contributeurs avisés. Leur multiplication tend à en réduire la qualité, d’autant plus que ces numéros spéciaux sont associés à des délais de revue plus courts et un taux  de rejet plus faible.
  • L’inflation de l’impact, un phénomène décrit comme une conséquence directe de l’augmentation du nombre d’articles. Les éditeurs parviennent désormais à maîtriser – au moins en partie – les indicateurs d’impact comme le facteur d’impact, notamment grâce aux auto-citations.

 

Vers une publication scientifique 100% accessible en ligne ?

Face à ces évolutions, des chercheurs se mobilisent pour que la publication scientifique de demain poursuive toujours la finalité de diffuser les nouvelles connaissances acquises par les chercheurs. Denis Jérôme, directeur de recherche honoraire au CNRS, se positionne en faveur du développement de nouvelles revues scientifiques, moins coûteuses et plus vertueuses, avec des publications à prix coûtant ou financé par des subventions académiques.

Des organismes de financement de la recherche se sont justement réunis en consortium, la cOAlition S pour mener le plan S, qui “vise à l’accès libre, complet et immédiat aux publications savantes évaluées par des pairs et issues de la recherche financée par des subventions publiques et privées”. Ce plan souhaite accélérer la transition vers une publication scientifique accessible en ligne immédiatement, gratuitement et sans restriction.

Parallèlement, des spécialistes ont mené différentes études d’évaluation des revues scientifiques. En France, des chercheurs de l’INRAE ont publié au printemps 2023 un guide de bonnes pratiques pour atteindre 100 % de publications librement accessibles en 2030.

 

Sources

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