Le Prix Nobel de médecine 2024 pour la découverte des micro-ARN

Le Prix Nobel de Médecine est attribué chaque année à des médecins, des biologistes, des chercheurs dont les découvertes font progresser les disciplines médicales. Cette année, ce prix Nobel a été décerné à deux biologistes américains, Victor Ambros et Gary Ruvkun, pour leur découverte des micro-ARN dans les années 1990. Déjà, deux américains avaient reçu le Prix Nobel de Médecine en 2006 pour la découverte de leurs cousins, les si-ARN (short interfering ARN).

Les micro-ARN, qu’est-ce que c’est ?

Les micro-ARN (souvent notés mi-ARN) sont des ARN de petite taille (environ 22 nucléotides), capables de réguler l’expression des gènes. Le premier micro-ARN, lin -4, a été découvert en 1993 chez le ver nématode Caenorhabditis elegans, avec un rôle clé dans le développement du ver. Sept ans plus tard, en 2000, un second mi-ARN est découvert, let-7, présent dans de nombreuses espèces, dont l’homme. Depuis, de nombreux mi-ARN ont été découverts et décrits, avec plus de 100 000 publications scientifiques relatant ces découvertes et leur intérêt.

Chez l’homme, environ 2 000 gènes codent pour des micro-ARN et plus d’un millier de micro-ARN différents ont été décrits, capables de réguler jusqu’à 60 % du génome humain. Depuis les années 2000, la recherche sur les micro-ARN s’est intensifiée, certains spécialistes considérant leur découverte comme une véritable révolution médicale.

Ne pas confondre mi-ARN et ARNm !

Un autre ARN fait beaucoup parler de lui depuis quelque temps, l’ARNm (ARN messager). Il fait l’objet de multiples attentions depuis son utilisation pour le développement des premiers vaccins contre le SARS-CoV2, responsable de la pandémie de la Covid-19. Plusieurs candidats vaccins sont en cours de développement, avec une technologie basée sur l’ARNm.

Micro-ARN et ARNm désignent deux acides nucléiques de nature et de fonction différentes. Le micro-ARN produit au niveau du noyau, va, une fois passé dans le cytoplasme des cellules, venir se fixer sur l’ARNm cible, c’est-à-dire l’ARN dont la séquence est complémentaire de la sienne. Ainsi, il bloque ou non la traduction de l’ARNm en protéines, ce qui lui permet de réguler l’expression des gènes. La petite taille du mi-ARN et les mésappariements (absence de complémentarité des séquences sur 1 ou 2 bases nucléotidiques) permettent qu’un micro-ARN puisse se fixer sur plusieurs ARNm et vice-versa. Un seul micro-ARN peut ainsi réguler de nombreux gènes différents, tandis qu’un seul gène peut être régulé par plusieurs micro-ARN. Au final, les micro-ARN permettent une régulation très fine des gènes, et leur expression est elle-même finement régulée au niveau du noyau. Un mécanisme de régulation qui permet de mieux comprendre le fonctionnement des organismes, mais aussi de décrypter certains mécanismes à l’origine des maladies.

Les micro-ARN, les médicaments du futur ?

Rapidement, les chercheurs se sont intéressés aux liens entre les micro-ARN et les maladies. En 2002, ils ont mis en évidence une altération de l’expression des micro-ARN dans certains cancers chez l’homme, puis en 2008, ils ont montré que les micro-ARN étaient détectables dans les liquides biologiques, dont le sang.

Leurs cousins, les si-ARN ont déjà fait l’objet de développements cliniques avec la mise sur le marché de plusieurs médicaments pour le traitement de différentes pathologies. Par rapport aux mi-ARN, ils présentent l’avantage de ne cibler qu’un seul ARNm ce qui permet une très forte spécificité d’action.

Depuis les années 2000, les micro-ARN sont un sujet de recherche clé dans le domaine des cancers, des maladies métaboliques et des maladies auto-immunes. Plusieurs micro-ARN sont connus pour leur action oncogénique chez l’homme. Par ailleurs, les micro-ARN s’avèrent de puissants modulateurs des infections virales, car les micro-ARN peuvent également se lier aux ARN viraux. Certains facilitent la multiplication du virus, alors que d’autres la répriment. Parallèlement, les virus aussi sont capables de réguler l’activité des mi-ARN. Lorsqu’un micro-ARN est antiviral, certains virus évoluent pour contourner cet effet et continuer à se multiplier. Les virus concernés sont très nombreux, le virus de l’hépatite C, le virus de la grippe saisonnière, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus de la dengue, le cytomégalovirus humain ou encore le virus du Nil occidental.

Les chercheurs travaillent sur plusieurs options avec les micro-ARN :

  • créer des micro-ARN thérapeutiques, capables d’agir spécifiquement sur des gènes d’intérêt ;
  • augmenter ou au contraire réprimer l’expression des micro-ARN ;
  • découvrir des micro-ARN biomarqueurs spécifiques, susceptibles d’être utilisés comme outils diagnostiques ou pronostiques notamment de certains cancers.

La deuxième option fait déjà l’objet d’un développement clinique, avec le micro-ARN 124, doté de propriétés anti-inflammatoires. Le laboratoire Abivax a développé un candidat-médicament, l’obefazimod, qui agit en augmentant l’expression de micro-ARN pour lutter contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique).

Plus largement, les micro-ARN suscitent particulièrement l’intérêt des chercheurs en oncologie. Mais de nombreuses étapes de développement restent encore à franchir, en particulier en ce qui concerne les effets secondaires possibles de ces traitements. Des premiers signaux, notamment immunitaires, ont été signalés et nécessitent des recherches approfondies.

La découverte des micro-ARN a constitué une formidable avancée dans la compréhension des mécanismes biologiques de régulation des gènes. Elle a aussi ouvert une nouvelle ère de la recherche médicale, axée sur les potentialités diagnostiques et thérapeutiques des ARN.

 

Sources

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