Les coûts cachés de notre modèle alimentaire, quel impact sur les enjeux de santé ?

Derrière notre modèle alimentaire, se trouvent des coûts cachés, c’est-à-dire des dépenses qui ne sont pas comptabilisées dans les coûts des aliments que nous consommons. Parmi ces coûts cachés, certains sont directement liés à la santé ou à l’environnement. Quels sont ces coûts ? À quel montant s’élèvent-ils ? Faut-il redéfinir un modèle alimentaire pour les réduire ? Des questions clés à l’heure où nombre d’acteurs appellent à une transition alimentaire. 

 

Les coûts cachés de l’alimentation, de quoi s’agit-il ?

Notre modèle alimentaire actuel aurait-il atteint ses limites ? Au-delà de la valeur des aliments qui le composent, figurent des coûts cachés, sociaux, environnementaux et économiques. Pêle-mêle se retrouvent dans les coûts cachés : 

  • Les coûts liés à la potabilisation de l’eau ;
  • Les coûts de prise en charge des maladies chroniques liées à l’alimentation et à la baisse de productivité associée ;
  • Les subventions à l’agriculture ;
  • Les coûts liés à l’environnement, par exemple la gestion des déchets ;
  • Les coûts liés au gaspillage alimentaire ;
  • Les coûts liés aux inégalités d’accès à une nourriture saine et suffisante ;
  • Les coûts liés à l’antibiorésistance en santé humaine ou animale ;
  • Les coûts liés à la maltraitance animale ; 
  • etc. 

Pour que le modèle alimentaire soit durable, il paraît évident que ces coûts cachés doivent rester les plus faibles possibles. Or, il semble que ce soit loin d’être le cas. 

 

Des coûts cachés qui démontrent les limites de notre modèle alimentaire

Dans un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) publié en novembre 2023, les coûts cachés totaux ont été évalués à 10 % du PIB mondial, à partir de la prise en compte des données de 154 pays à travers le monde. Un chiffre colossal. Rien qu’en en France, ces coûts cachés représentent 162 milliards d’€, dont 123 milliards d’€ seraient directement liés à la santé. 

Une telle évaluation des coûts cachés de l’alimentation avait déjà été entreprise en 2022 par quatre études menées dans des pays différents (Royaume-Uni, Suisse, USA, …). La comparaison des résultats des 4 études montre que les coûts cachés sont proches de 1 € pour 1 € dépensé en nourriture par le consommateur en Suisse et au Royaume Uni, et environ deux fois plus élevé aux USA et à l’échelle mondiale. Dans tous les cas, les coûts cachés sanitaires dépassent les coûts cachés environnementaux. 

Ces études et ce rapport sont unanimes sur la difficulté à évaluer précisément les coûts cachés du modèle alimentaire. Effectivement, les coûts environnementaux d’aujourd’hui, par exemple l’impact sur le réchauffement climatique, se traduiront sans doute en coûts sanitaires de demain, mais quel sera leur montant exact ? Au-delà d’une querelle de méthodes de calcul et de chiffres, le principal message à retenir est que les coûts cachés sont en passe – si ce n’est déjà fait – de dépasser les coûts effectifs de la nourriture, démontrant dès lors les limites de notre modèle alimentaire. 

 

Vers une transition alimentaire nécessaire

Les quatre études de 2022 pointent du doigt quatre facteurs majeurs à l’origine des coûts cachés environnementaux et sanitaires de notre modèle alimentaire : 

  • La fertilisation azotée ;
  • Les pesticides de synthèse ;
  • La production et la consommation de viande ;
  • Les aliments ultra-transformés. 

Ils listent ensuite une série de mesures à mettre en place pour amorcer une transition du système agro-alimentaire et du modèle alimentaire pour réduire les coûts cachés. Le modèle alimentaire de demain doit pouvoir intégrer les enjeux agricoles, mais aussi sanitaires et environnementaux.

Dans une étude chinoise publiée dans Nature, les chercheurs ont pu corréler les changements dans l’alimentation de la population chinoise sur les trente dernières années avec un accroissement important des dépenses de santé. D’après les chercheurs, les dépenses de santé des Chinois devraient augmenter de 12,1 milliards d’€ d’ici 2030, en lien avec une consommation accrue de viande et de produits d’origine animale. Ils estiment qu’une transition vers un régime plus végétal est déterminant pour réduire les coûts cachés de l’alimentation. 

Une solution de facilité pourrait être d’augmenter le coût des aliments pour intégrer les coûts cachés, mais le phénomène ne ferait qu’empirer d’année en année. Pour les associations, il est déterminant de mieux informer les consommateurs et de faire prendre conscience des enjeux aux acteurs du secteur agro-alimentaire. La seule solution est d’adopter un nouveau modèle. Un modèle alimentaire optimal, qui reste à construire à l’échelle nationale et internationale, tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux et variables à travers le monde. 

En attendant ce nouveau modèle alimentaire, certains pays prennent des mesures incitatives ou au contraire dissuasives pour inciter le système agroalimentaire à évoluer. Prenons deux exemples français. D’abord le Nutri-Score. Il s’agit d’une mesure incitative qui vise à mieux informer le consommateur pour qu’il choisisse un aliment meilleur pour sa santé. La mesure incite aussi l’industriel à améliorer ses produits pour obtenir un meilleur Nutri-Score. Les règles de notation du Nutri-Score visent à favoriser les aliments favorables à la santé au détriment des aliments moins bons pour la santé. Une manière de privilégier des aliments avec des coûts cachés sanitaires moins élevés. La logique est à peu près la même pour l’Éco-Score, cette fois vis-à-vis des coûts cachés environnementaux. Second exemple, la taxation sur les boissons sucrées, dont l’impact sur la santé métabolique est clairement démontré. En France, les industriels doivent s’acquitter d’une contribution obligatoire sur les boissons sucrées ou édulcorées, déterminée en fonction de la quantité de sucre contenue dans les boissons. Cette fois, il s’agit bel et bien de les contraindre financièrement à réduire la quantité de sucre. 

Prendre conscience des coûts cachés de notre modèle alimentaire nous invite à réinventer ce modèle pour l’intégrer dans une stratégie One Health, où alimentation, santé et environnement seront au centre des préoccupations. 

 

Sources

Partager