Dans son baromètre 2024 sur l’attractivité de la France pour les entreprises du médicament, le LEEM indique que les patients français accèdent aux nouveaux médicaments en moyenne plus de 400 jours après les patients allemands ! Mais ce chiffre est contrebalancé par les dispositifs d’accès précoce, mis en place en 2021 en France et qui facilitent et accélèrent l’accès aux médicaments innovants.
Quels sont les dispositifs d’accès précoce ?
Les dispositifs d’accès précoce, ou autorisations d’accès précoce, ont été mis en place en France le 1er juillet 2021, et ont remplacé d’anciens dispositifs, comme les ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation). Il s’agit d’un dispositif dérogatoire exceptionnel qui permet aux patients d’accéder à des médicaments, avant leur remboursement par l’Assurance maladie dans le cadre du droit commun. Deux situations sont possibles :
- Une demande d’accès précoce avant l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Dans ce cas, le laboratoire s’engage à effectuer une demande d’AMM dans les 2 ans ;
- Une demande d’accès précoce après l’obtention de l’AMM. Le médicament est alors accessible durant toute la phase de négociation sur le prix et le remboursement du médicament.
Dans les deux cas, ces autorisations d’accès précoce permettent de raccourcir considérablement les délais d’accès aux médicaments innovants. Tous les médicaments ne peuvent pas bénéficier d’une telle autorisation. Seuls ceux qui répondent aux critères suivants peuvent faire l’objet d’une demande :
- Le médicament est indiqué dans le traitement d’une maladie grave, rare et invalidante ;
- Il n’existe pas de traitement capable de guérir la maladie ;
- La mise en oeuvre du traitement ne peut pas être différé ;
- L’efficacité et la sécurité du médicament ont été évaluées par des essais cliniques ;
- Le médicament est considéré comme innovant.
L’autorisation d’accès précoce permet à la fois la mise à disposition du médicament et sa prise en charge financière.
Un observatoire européen des délais d’accès aux médicaments innovants
La demande d’autorisation précoce est évaluée par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans un délai maximal de 90 jours. Lorsqu’elle est accordée, l’autorisation d’accès précoce est valable pendant une durée d’un an, renouvelable. Le laboratoire s’engage alors à mettre à disposition le médicament pour les patients dans un délai maximal de 2 mois. Il est également tenu d’effectuer les démarches nécessaires en vue de l’octroi d’une AMM et/ou du remboursement du médicament.
Dix mois après le lancement de ce nouveau dispositif, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la HAS ont dressé un premier bilan positif à partir des 100 premières demandes évaluées. Les délais d’instruction étaient inférieurs aux 90 jours réglementaires, avec un délai moyen de 60 jours (réduit à 35 jours pour les médicaments contre les formes sévères de Covid-19). Ce premier bilan a permis d’affiner les critères d’éligibilité des médicaments innovants.
Les dispositifs d’accès précoce sont spécifiques à la France, même si des dispositifs similaires existent dans d’autres pays européens. Pour évaluer leur pertinence, l’Assurance maladie et la HAS ont lancé un observatoire européen des délais d’accès aux médicaments innovants. Cet observatoire permet de comparer les données françaises avec celles de ses voisins :
- L’Allemagne ;
- Le Royaume-Uni ;
- L’Espagne ;
- L’Italie.
Parallèlement, aux USA, la doctrine est différente. Au lieu de mettre en place des dispositifs d’accès précoce, l’agence américaine du médicament (FDA, Food and Drug Administration) a opté pour des procédures accélérées de développement et d’évaluation des médicaments. Cette procédure peut considérablement accélérer la mise sur le marché américain des médicaments innovants, mais est parfois critiquée pour son manque de transparence.
Le dispositif d’accès précoce permet de rattraper la lenteur de la procédure classique
En Europe, la directive européenne 89/105/CEE fixe à 180 jours le délai réglementaire pour que les conditions de remboursement des médicaments soient définies suite à la demande du laboratoire. En France, hors dispositifs d’accès précoce, il faut actuellement compter plusieurs mois pour obtenir les conditions de remboursement d’un médicament. Grâce au dispositif d’accès précoce, la France parvient à se situer devant l’Espagne et l’Italie et juste derrière l’Allemagne, mais uniquement pour les médicaments innovants.
Sur les 50 médicaments examinés par l’observatoire, 42 ont bénéficié en France d’une autorisation d’accès précoce dans différentes aires thérapeutiques : l’oncologie, la neurologie, la pneumologie ou la dermatologie. La France se positionne ici en seconde position derrière l’Espagne, qui a délivré 45 accès dérogatoires nominatifs.
Toujours sur ces 50 médicaments, 32 ont bénéficié d’une autorisation d’accès précoce avant l’obtention de l’AMM, permettant aux patients de bénéficier du médicament en moyenne 71 jours avant l’octroi de l’AMM. En pratique, le dispositif d’accès précoce français permet aux patients d’accéder aux médicaments innovants quatre fois plus rapidement qu’avec la procédure classique. Autre avantage du système français, dans le cadre du dispositif d’accès précoce, les médicaments sont pris en charge à 100 %.
Ces chiffres dressent un tableau avantageux de la situation des patients français dans l’accès aux médicaments innovants. Les dispositifs d’accès précoce rencontrent un succès grandissant comme en témoigne la hausse des dépenses de santé liées à ce dispositif, qui affichent un taux moyen de croissance annuelle de 52 %. Mais ils ne concernent pas tous les médicaments et masquent les chiffres beaucoup moins avantageux de la procédure classique. Pour les médicaments considérés comme non innovants, l’accès est beaucoup plus lent en France que dans les autres pays européens, notamment en raison d’une longue procédure de négociation des prix. La définition du caractère innovant des médicaments est donc aujourd’hui le critère déterminant pour le délai d’accès des Français aux nouveaux médicaments.
Sources
- Assurance maladie. Mesurer les délais d’accès aux nouveaux médicaments (extrait du rapport annuel de propositions de l’Assurance maladie pour 2023). Mai 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2023-05_mesurer-delais-acces-nouveaux-medicaments_extrait-charges-et-produits_assurance-maladie_0.pdf
- Autorisation d’accès précoce aux médicaments : un premier bilan positif et des principes d’évaluation affinés. ANSM. 27 septembre 2022. https://ansm.sante.fr/actualites/autorisation-dacces-precoce-aux-medicaments-un-premier-bilan-positif-et-des-principes-devaluation-affines
Accès précoce aux traitements : le Leem suggère des pistes pour maintenir le dispositif. Le Moniteur des Pharmacies. 25 juillet 2024. https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/actu/actualites/actus-medicaments/acces-precoce-le-leem-suggere-des-pistes-pour-maintenir-le-dispositif.html