Cancers : comment convaincre les Français de se faire dépister ?

Les cancers représentent en France la première cause de mortalité chez les hommes et la seconde cause chez les femmes. Le dépistage précoce des cancers, grâce entre autres aux stratégies nationales de dépistage organisé, joue un rôle clé dans le pronostic des patients. Mais comment convaincre les Français de se faire dépister, alors qu’ils se sentent en bonne santé ? En parallèle des campagnes de sensibilisation, l’Assurance maladie souhaite mobiliser les professionnels de santé sur ce sujet. 

Le dépistage, une arme déterminante contre le cancer

D’après le baromètre 2023 des cancers publié par l’Institut National du Cancer (INCA), entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas de cancer a doublé en France, tous cancers confondus. Ce doublement des cas représente une augmentation de 98 % des cancers chez l’homme et de 104 % chez la femme. Quel que soit le type de cancer, la précocité du dépistage est déterminante pour le pronostic du patient. Malgré les progrès thérapeutiques des dernières années, un cancer découvert tardivement à un stade avancé est souvent associé à un pronostic plus défavorable pour le patient. 

Tous les cancers ne peuvent pas être dépistés précocement, faute de signes d’appel spécifiques, de test de dépistage fiable ou de population à cibler. En revanche, il est possible d’organiser le dépistage à grande échelle de certains cancers. 

Trois et bientôt quatre stratégies nationales de dépistage des cancers en France

Actuellement, trois stratégies nationales de dépistage organisé des cancers sont déployées en France contre :

  • Le cancer du sein, cancer le plus fréquent chez les femmes avec 61 214 nouveaux cas en 2023 et 12 100 décès en 2018. Le dépistage organisé repose sur la réalisation d’une mammographie tous les deux ans chez les femmes âgées de 50 à 74 ans. 
  • Le cancer du col de l’utérus, autre cancer féminin, avec 3 159 nouveaux cas en 2023 et 1 100 décès. Ce cancer est provoqué par une infection persistante par certains Papillomavirus humains. Le dépistage organisé consiste en un frottis cervico-utérin effectué à intervalles réguliers (3 ou 5 ans selon l’âge) chez les femmes entre 25 et 65 ans. 
  • Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents en France, avec 47 582 nouveaux cas en 2023 et 17 100 décès en 2018. C’est la deuxième cause de décès par cancer chez les hommes et la 3ème chez les femmes. La stratégie de dépistage s’adresse aux hommes et aux femmes âgés de 50 à 74 ans et repose sur une analyse de selles à effectuer tous les deux ans. 

 

Dans les prochains mois, une quatrième stratégie nationale de dépistage organisé devrait voir le jour, pour dépister le cancer du poumon. Ce cancer est la première cause de décès par cancer en France avec 33 100 décès en 2018, et est l’un des cancers les plus fréquents, avec 52 777 nouveaux cas en 2023. Le dépistage sera basé sur la réalisation d’un scanner à faible dose chez des patients de 50 à 74 ans, avec des antécédents de tabagisme (au moins équivalents à 20 paquets-années). 

À ces stratégies nationales de dépistage, s’ajoutent des dépistages ciblés pour les patients à risque de certains cancers, en raison de leur état de santé, de leurs antécédents ou de leur mode de vie. 

En pratique, la participation des Français aux stratégies existantes est déterminante pour dépister les cancers concernés, améliorer le pronostic des patients et renforcer la lutte contre les cancers. 

Les professionnels de santé, en première ligne pour renforcer le dépistage

L’existence d’un dépistage organisé de certains cancers, intégralement pris en charge par l’Assurance maladie, peut être perçue comme une chance pour les Français d’être rassurés sur leur état de santé ou d’être diagnostiqués précocement et ainsi d’augmenter leurs chances de guérison. Mais en réalité, les taux de participation aux stratégies de dépistage restent inférieurs aux objectifs fixés par les autorités de santé publique. Pour le cancer du sein, le taux de participation s’élève à seulement 48,2 % des femmes éligibles, un chiffre plus élevé pour le cancer du col de l’utérus avec un taux de participation de 59,7 %. En revanche, le chiffre pour le dépistage du cancer colorectal reste faible, avec seulement 34,2 % de participation. 

Pourquoi les Français participent peu aux stratégies de dépistage alors que 94 % d’entre eux s’y déclarent favorables ? Plusieurs arguments sont avancés par les spécialistes et par les principaux concernés eux-mêmes : peur du résultat, difficultés pour prendre rendez-vous, pénurie de soignants, aversion pour les examens médicaux, …. Malgré les campagnes de sensibilisation et le renforcement des modalités d’invitation aux dépistages, les chiffres restent en-dessous des objectifs français et européens.

Pour atteindre les objectifs, l’Assurance maladie cherche à s’appuyer sur des acteurs clés, les professionnels de santé. Cette stratégie a été initiée dès 2022 avec la distribution des kits de dépistage du cancer colorectal dans les pharmacies. Elle pourrait s’étendre aux sages-femmes et aux infirmiers libéraux. Les infirmiers libéraux pourraient également proposer et réaliser des frottis cervico-utérins, après une formation adaptée. Médecins, sages-femmes, infirmiers libéraux et pharmaciens seront de plus en plus sollicités pour informer, promouvoir et réaliser des actions de dépistage des cancers. Un rôle qui s’inscrit dans la logique des bilans de prévention à différents âges-clés, généralisés à l’ensemble du territoire français depuis juin 2024. 

En complément, l’Assurance maladie développe des initiatives pour aller au plus près des Français éligibles aux stratégies de dépistage. Citons par exemple le déploiement des mammobus, unités de radiologie mobiles, permettant de réaliser des mammographies au plus près des patients. Ce type d’initiative pourrait répondre à deux freins au succès des stratégies de dépistage : 

  • Une faible participation des populations les plus défavorisées. Le mammobus pourrait se rendre au plus près de ces populations ;
  • Les difficultés de prise de rendez-vous. Actuellement, dans certains départements français, le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous pour une mammographie est d’une année. 

 

Multiplier les initiatives pour inciter les Français à se faire dépister et s’appuyer sur les professionnels de santé pour convaincre et réaliser les dépistages pourrait s’avérer une stratégie gagnante pour atteindre les objectifs français et européens. Des objectifs déterminants dans la lutte contre les cancers. 

 

Sources

 

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