Recherche clinique : la France reste-t-elle leader en Europe ?

À quelques jours d’intervalle, deux organismes ont publié chacun de leur côté leur baromètre de la recherche clinique en France, d’une part l’AFCROs, qui représente les entreprises de la recherche clinique, et d’autre part le LEEM, qui représente les entreprises du médicament. Regards croisés sur la position de la France dans le paysage européen de la recherche clinique. 

La France, 1er ou 3ème pays européen de la recherche clinique ?

D’après le baromètre du LEEM, la France se positionne à la troisième place européenne en matière de participation aux essais cliniques. Sur les 1 261 essais cliniques initiés et financés par des industriels européens en 2022-2023, seulement la moitié incluent des centres d’investigation français. Sur les 443 essais cliniques en oncologie, 180 sont menés sans la participation de la France, dont 89 sont des essais de phase précoce. 

Comment expliquer une telle situation ? Les auteurs du baromètre du LEEM pointent deux principales raisons : 

  • La lenteur des démarches administratives. Quand en France, il faut compter un délai moyen de 160 jours pour démarrer un essai, ce délai n’est que de 149 jours en Espagne ;
  • Les difficultés pour inclure des patients français dans les essais cliniques. L’atteinte des objectifs d’inclusion est de 86 % en France, contre 94 % en Espagne. 

Mais la vision du LEEM n’est pas totalement partagée par l’AFCROs, qui a de son côté pris en compte, non seulement les données de l’industrie pharmaceutique, mais aussi celle de la recherche académique. Dans le baromètre de l’AFCROs, les données indiquent qu’en 2023 446 études cliniques ont été menées par l’industrie, contre 1 651 dans le secteur académique. Si la France se situe bien en retrait de ses concurrents européens au niveau de la recherche clinique menée par l’industrie, elle reste leader – et de loin – de la recherche clinique académique, devant l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. En intégrant les recherches cliniques académiques, la France reste sur la première marche du podium pour les études cliniques en oncologie depuis 2019. Elle possède également le leadership sur les maladies rares. 

Preuve de ce dynamisme, l’INSERM, acteur clé de la recherche académique française, était en 2023 le premier déposant académique en recherche biomédicale en Europe. 

Derrière la recherche clinique, l’économie de l’industrie pharmaceutique

Si le LEEM s’est concentré sur les données de l’industrie pharmaceutique, c’est que l’économie de cette industrie repose en grande partie sur le dynamisme de la recherche clinique. La position en retrait de la France dans la recherche clinique menée par l’industrie pharmaceutique n’est pas sans conséquences sur les investissements en R&D. Le baromètre du LEEM révèle que les investissements en R&D s’élèvent à un peu moins de 6 milliards d’€ en 2023, soit un chiffre en légère baisse par rapport aux années précédentes. Une somme qui représente 6 % des dépenses totales mondiales en R&D. 

Pour le LEEM, la France se situe également en retrait par rapport à ses concurrents européens pour la production de nouveaux médicaments. Depuis 2017, seulement 9,4 % des médicaments innovants autorisés par l’Agence Européenne du Médicament (EMA) ont au moins un site fabricant situé en France. Ce chiffre place la France derrière l’Allemagne, l’Irlande et l’Espagne. 

Autre chiffre révélateur pour le LEEM, entre 2013 et 2023, les importations de médicaments ont progressé plus rapidement que les exportations. La France a ainsi perdu sa place sur le podium européen du solde commercial de l’industrie pharmaceutique.

Une recherche clinique dynamique incite les industriels à investir et à produire les médicaments sur place. La situation particulière de la France impose au contraire des investissements publics massifs et récurrents pour financer la recherche académique, mais sans pour autant renforcer l’attractivité de la France en matière d’investissements et de production par l’industrie pharmaceutique. 

La recherche clinique, un indicateur de l’accès aux nouveaux médicaments

Ce recul de la France en matière de recherche clinique industrielle pourrait impacter directement la prise en charge des patients, en particulier pour les médicaments innovants. Dans le baromètre du LEEM, en dehors de la procédure d’accès précoce mise en place par la France, les patients français accèdent aux nouveaux médicaments en moyenne plus de 400 jours après les patients allemands ! 

Parmi les nouveaux médicaments autorisés en Europe, 37 % ne sont pas disponibles en France, contre seulement 12 % en Allemagne. Là encore, plusieurs raisons peuvent être avancées : 

  • Le faible prix des médicaments en France, les plus bas du top 5 européen ; 
  • La fiscalité la plus lourde d’Europe pour les entreprises du médicament ;
  • Un cadre législatif très évolutif, lié aux dispositions des projets de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) successifs.

Recherche clinique, industrie pharmaceutique et accès aux médicaments sont intimement liés. Si la recherche clinique académique est une volonté nationale, soutenue par les pouvoirs publics, elle n’est pas forcément synonyme d’une attractivité pour l’industrie pharmaceutique et d’un accès facilité aux médicaments pour les patients. L’AFCROs et le LEEM s’entendent sur un point, il est déterminant de renforcer l’attractivité de la France auprès de l’industrie pharmaceutique pour que la France reste à l’avenir un leader de la recherche clinique. 

Sources : 

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