Avant le 1er octobre 2024, le projet de loi de finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) doit avoir été déposé à l’Assemblée nationale. Dans son rapport “charges et produits” publié le 19 juillet 2024, l’Assurance maladie présente 30 propositions pour améliorer la qualité et l’efficience du système de santé français. Des propositions associées à des pistes d’économies évaluées à 1,56 milliards d’€.
Face au déficit, des économies qui paraissent incontournables
En 2023, le déficit de la Sécurité Sociale était en net recul par rapport à 2022, avec une réduction de 10 milliards d’€. Le déficit s’élevait alors à 11,1 milliards d’€, un chiffre qui resterait relativement stable en 2024, avec une estimation autour de 11,4 milliards d’€. Pour tenter de réduire ce déficit significatif, l’Assurance maladie explore différentes pistes d’économies.
En analysant les chiffres, il apparaît que les dépenses liées à la prise en charge des maladies chroniques représentent 60 % des dépenses totales remboursées par l’Assurance maladie, soit 112 milliards d’€. Un Français sur trois est touché par au moins une maladie chronique, un chiffre en constante augmentation depuis 2015. Parmi les maladies chroniques, trois catégories arrivent très largement en tête :
- Les pathologies cardiovasculaires ;
- Les cancers ;
- Les pathologies liées à la santé mentale.
Face à ce constat, l’Assurance maladie souhaite renforcer les actions de prévention et améliorer le dépistage précoce de ces pathologies pour réduire leur impact sur l’économie de la santé. Plusieurs dispositifs y contribuent comme la mise en place du dispositif “mon bilan prévention”. Médecins, sages-femmes, pharmaciens et infirmiers peuvent proposer des bilans de prévention à leurs patients à 4 âges-clés :
- 18-25 ans ;
- 45-50 ans ;
- 60-65 ans ;
- 70-75 ans.
Trois objectifs derrière ce dispositif, identifier des facteurs de risque de maladies chroniques, réaliser des dépistages de cancers ou d’IST (Infections Sexuellement Transmissibles) ou encore programmer des rappels de vaccination. Sur ce point, l’Assurance maladie espère engendrer 80 millions d’€ d’économies.
Lutter contre la fraude et les abus pour la santé… mais aussi pour l’économie
Un autre axe d’économies majeures est la lutte contre la fraude et les abus, avec un objectif affiché de 420 millions d’€ d’économies en 2025. La fraude et les abus nuisent à la fois à la santé des Français, par mésusage et abus des médicaments, et à l’économie du système de santé, par des dépenses de santé injustifiées.
Depuis 2022, a commencé le déploiement de l’e-prescription (prescription électronique ou ordonnance numérique). Réglementairement, elle doit s’appliquer à l’ensemble des prescriptions de produits et prestations de santé d’ici la fin de l’année 2024. La prescription électronique devrait automatiquement limiter la circulation des fausses ordonnances, mais aussi :
- faciliter la transmission des prescriptions entre les professionnels de santé ;
- améliorer la traçabilité des prescriptions, avec une trace conservée dans le dossier médical personnel du patient ;
- alléger les tâches administratives des professionnels de santé
- réduire l’impact carbone des ordonnances papier.
Pour générer davantage d’économies et lutter contre les abus, l’Assurance maladie formule également d’autres propositions :
- la création d’un formulaire infalsifiable d’arrêt de travail – la chasse aux faux arrêts de travail ne cesse de s’amplifier depuis la pandémie de Covid-19 ;
- un nouveau cadre de prescription pour certains dispositifs médicaux, comme les pansements – les prescriptions sont souvent inadaptées, avec une accumulation possible de dispositifs dans les armoires à pharmacie des Français ;
- un recours croissant au transport partagé pour faire face aux coûts des transports sanitaires, en hausse de 9 % en 2023 par rapport à l’année 2022.
Renforcer la pertinence et l’efficience des soins pour améliorer les parcours de soins
Enfin, le programme d’économies de l’Assurance maladie est particulièrement ambitieux sur le volet de l’organisation des soins, avec des économies estimées à plus d’un milliard d’€. Simplifier les parcours de soins, par exemple en facilitant l’accès direct à certains professionnels de santé, comme les masseurs-kinésithérapeutes. Ouvrir le droit de prescription, de délivrance sans ordonnance ou encore de renouvellement de certains médicaments ou actes par les pharmaciens, les sages-femmes, les infirmiers ou encore les ergothérapeutes, …. Autant d’évolutions qui stimulent l’exercice interprofessionnel, légitiment les structures d’exercice coordonné (MSP, CPTS, …), mais aussi permettent de simplifier le parcours de soins des patients, tout en générant des économies de santé.
Parallèlement, l’Assurance maladie s’attache à renforcer les stratégies nationales de dépistage organisé des cancers. Les taux de participation des Français aux trois stratégies existantes (cancer du col de l’utérus, cancer du sein et cancer colorectal) progressent mais n’atteignent pas encore les objectifs fixés par les autorités de santé publique. Une quatrième stratégie nationale de dépistage devrait débuter en 2025 pour le dépistage organisé du cancer du poumon. Une étude pilote a été lancée pour initier son déploiement.
D’après les estimations, le déficit de la Sécurité Sociale pourrait s’élever à 17 milliards d’€ en 2027. Pour contenir ce déficit et assurer la pérennité du système de santé français, des sources d’économies doivent être trouvées, en concertation avec les acteurs (établissements de santé, professionnels de santé, associations des usagers, …). Si certaines pistes devraient faire l’unanimité, d’autres seront certainement plus discutées, en particulier la proposition de dérembourser les prescriptions des médecins déconventionnés (secteur 3). Rendez-vous à l’automne pour découvrir quelles pistes ont été retenues dans le PLFSS 2025.
Sources
- Rapport Charges et Produits pour 2025. Assurance Maladie. 19 juillet 2024. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/presse/2024-07-19-cp-rapport-charges-et-produits-pour-2025
- Mon bilan prévention, un temps d’échange dédié à la prévention. Assurance maladie. 25 juin 2024. https://www.ameli.fr/medecin/sante-prevention/bilan-prevention-ages-cles
- Prescription électronique, où en est l’ordonnance numérique ? Ordre National des Pharmaciens. 29 février 2024. https://www.ordre.pharmacien.fr/les-communications/focus-sur/les-actualites/prescription-electronique-ou-en-est-l-ordonnance-numerique