Un nouveau règlement européen sur les substances d’origine humaine

Un nouveau règlement européen sur les substances d’origine humaine

Le 24 avril 2024, le Parlement européen a adopté – avec 461 voix pour et 56 voix contre – une mise à jour importante du règlement pour l’utilisation du sang, des tissus et des autres substances d’origine humaine, qui devrait entrer en vigueur en 2027. Entre éthique et santé, la question de la compensation pour les donneurs a été le point le plus débattu par les parlementaires européens.

 

Des règles européennes pour sécuriser l’approvisionnement en substances d’origine humaine

Il y a plus de 20 ans que l’Europe s’est dotée de règles spécifiques régissant l’utilisation des substances d’origine humaine, inscrites dans un règlement appelé le SoHO (pour substances of human origin). L’objectif de ce règlement était d’assurer et de sécuriser pour tous les citoyens européens un approvisionnement en substances d’origine humaine, à l’heure où l’Europe se retrouvait confrontée au scandale du sang contaminé.

Initialement, le règlement européen considérait trois types de substances d’origine humaine :

  • Le sang et les produits dérivés du sang, utilisés pour les transfusions sanguines, pour la fabrication des médicaments dérivés du sang et pour les greffes de moelle osseuse (greffes de cellules souches hématopoïétiques) ;
  • Les tissus, comme la cornée ou la peau, utilisés dans les greffes ;
  • Les gamètes et les embryons, utilisés dans les techniques de procréation médicalement assistée.

 

Dans le nouveau règlement, de nouvelles substances d’origine humaine font leur apparition, notamment le lait maternel humain et le microbiote intestinal. Désormais, toutes les substances d’origine humaine, qui font l’objet d’un prélèvement et d’une utilisation chez l’être humain sont concernées, en dehors des organes solides, qui font l’objet de directives européennes spécifiques.

 

Garantir l’innocuité des produits de santé et la sécurité des donneurs et des receveurs

L’objectif premier du règlement européen sur les substances d’origine humaine est de garantir l’innocuité des produits préparés à partir de ces substances et administrés aux patients. Rappelons-le, ce règlement est né à la suite du scandale du sang contaminé, qui a contraint l’Europe et les pays européens à se doter de règles strictes pour garantir la santé des receveurs. La mise à jour du règlement élargit le champ d’action de ces règles aux donneurs eux-mêmes, mais aussi à la progéniture issue de la procréation médicalement assistée.

Les normes édictées pour assurer l’innocuité des substances et garantir la sécurité des donneurs comme des receveurs doivent pouvoir évoluer au fil du temps, en fonction des nouvelles connaissances acquises. Elles doivent également se déployer dans toutes les entités qui prélèvent, manipulent et administrent ces substances pour assurer la qualité et la sécurité tout au long de la chaîne du donneur au receveur.

En France, deux principaux établissements publics coordonnent au niveau national les activités de prélèvement et d’utilisation des substances d’origine humaine :

  • L’Établissement Français du Sang (EFS) pour le sang et les produits dérivés du sang. L’EFS assure également plus de la moitié de l’activité nationale de préparation des cellules et des tissus humains à des fins thérapeutiques ;
  • L’Agence de Biomédecine (ABM) pour le prélèvement et la greffe des cellules souches hématopoïétiques, l’assistance médicale à la procréation et l’embryologie.

 

Ces établissements sont garants du respect des règles nationales et européennes pour garantir l’innocuité des produits de santé à base de substances d’origine humaine et la sécurité des donneurs comme des receveurs.

La compensation des donneurs, à l’encontre des valeurs éthiques du don ?

À travers le monde, les dons de sang, de tissus ou d’organes peuvent être totalement gratuits, rémunérés ou indemnisés. Dans certains pays, les donneurs reçoivent des compensations financières pour les dons qu’ils effectuent. En Europe, de telles compensations existent déjà en Allemagne, en Autriche, en Hongrie ou en République tchèque. À l’inverse, en France, les dons sont volontaires, anonymes, libres et gratuits. Seuls les frais médicaux relatifs au don sont pris en charge intégralement par l’Assurance maladie. Dans certains cas, des frais non médicaux (transport, hébergement) peuvent être pris en charge sur présentation de justificatifs.

Compenser le don peut-il inciter les Européens à donner ? La compensation peut-elle permettre de garantir un meilleur approvisionnement et une autonomie européenne en substances d’origine humaine ? Ces questions éthiques ont fait l’objet d’un vif débat au Parlement européen, mais les parlementaires ont tranché. Le nouveau règlement européen prévoit la possibilité de mettre en place des compensations pour les donneurs, qu’elles soient financières ou non. Toutefois, les compensations ne devront pas être présentées comme des mesures incitatives aux potentiels donneurs. La compensation ne devra notamment pas être mentionnée dans les campagnes de sensibilisation aux dons. Chaque pays européen peut ensuite librement instaurer ou non des compensations pour les donneurs.

Le plasma sanguin, une exception à l’encadrement européen ?

Parmi les substances d’origine humaine utilisées en thérapeutique, l’une d’elles échappe en partie aux règles françaises et européennes, le plasma sanguin. Le plasma sanguin, prélevé au cours d’un don de plasma, permet de préparer différents médicaments dérivés du sang, entre autres de l’albumine, des facteurs de coagulation et des immunoglobulines d’origine humaine.

Actuellement, la plupart des médicaments dérivés du sang utilisés en France ne sont pas produits à partir de dons de plasma réalisés en France par l’EFS. Ils proviennent majoritairement des USA, où chaque prélèvement de plasma est rémunéré plusieurs dizaines de dollars. En France, les donneurs de plasma ne peuvent donner que 24 fois par an, librement et gratuitement, et la vente de plasma aux laboratoires pharmaceutiques est interdite. Aux USA, des centres de collectes, gérés par des entreprises privées, prélèvent du plasma jusqu’à 100 fois par an sur le même donneur pour le vendre ensuite aux laboratoires qui produisent des médicaments dérivés du sang. Pour certains donneurs, le prélèvement de plasma est devenu une véritable source de revenus. Et les centres de collecte ne sont pas soumis au règlement européen sur les substances d’origine humaine.

Si l’Alliance européenne pour le sang (European Blood Alliance, EBA) s’est félicitée de l’adoption de ce nouveau règlement, elle milite pour une stratégie européenne capable de garantir un approvisionnement suffisant en substances d’origine humaine et donc une autonomie européenne en la matière.

 

Sources

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