Les cellules CAR-T, une révolution thérapeutique ?!

En octobre 2023, une exposition a été consacrée au CHU de Bordeaux à une thérapie cellulaire révolutionnaire dans le traitement des cancers du sang, les thérapies CAR-T. Quelles sont ces cellules CAR-T à l’origine d’une nouvelle ère dans l’immunothérapie des cancers ? Quels résultats thérapeutiques en attendre ? Leur essor est-il limité par des freins et si oui lesquels ?

 

Les thérapies CAR-T, des cellules médicaments contre les cancers du sang

Les cellules CAR-T ou CAR T-cells (pour cellules ou lymphocytes T porteuses d’un récepteur chimérique (Chimeric Antigenic Receptor)) représentent une toute nouvelle génération de médicaments, des médicaments “vivants”, puisqu’il s’agit de cellules génétiquement modifiées. Sur le plan réglementaire, les cellules CAR-T sont en effet des organismes génétiquement modifiés, développés à partir des lymphocytes T du patient à traiter. Une fois prélevés, ces lymphocytes sont transformés génétiquement pour les doter d’un récepteur artificiel (le récepteur chimérique). Grâce à ce récepteur, les cellules CAR-T identifient les cellules cancéreuses et permettent au système immunitaire de les détruire.

Le premier récepteur d’antigène chimérique CAR a été développé en 1987. Il a ensuite été implanté dans des lymphocytes T, des globules blancs connus pour identifier et tuer les cellules anormales de l’organisme. En combinant les propriétés naturelles des lymphocytes T et la reconnaissance des cellules cancéreuses par le récepteur CAR, les chercheurs ont développé une immunothérapie révolutionnaire pour le traitement des cancers. Les premières applications des thérapies CAR-T ont été développées dans la prise en charge des cancers du sang : les leucémies et les lymphomes. En 2011, la première thérapie CAR-T montre des résultats prometteurs chez des enfants atteints de leucémie aiguë lymphoblastique. Six ans plus tard, cette première thérapie obtient une AMM aux USA. Depuis, 6 thérapies CAR-T ont été approuvées aux USA et en Europe, toutes dans le traitement des cancers du sang.

 

Une immunothérapie vivante et personnalisée

En pratique, la thérapie CAR-T se déroule de la manière suivante. Des lymphocytes T sont prélevés chez le patient lui-même, au cours d’une leucaphérèse, un prélèvement sanguin qui permet de ne recueillir que les globules blancs. Puis, ces lymphocytes sont génétiquement modifiés en laboratoire pour y intégrer le récepteur CAR. Avant d’être réinjectés au patient, les lymphocytes CAR-T sont multipliés in vitro. Parallèlement, le patient reçoit quelques jours de chimiothérapie pour affaiblir son système immunitaire, afin de faciliter la multiplication des cellules CAR-T. Une seule administration de cellules CAR-T suffit pour obtenir la réponse thérapeutique attendue. Les cellules CAR-T reconnaissent et ciblent les cellules tumorales, s’activent contre elles et éliminent les cellules cancéreuses.

Parmi les chercheurs à l’origine de cette formidable découverte, figure un Français, Michel Sadelain, qui a reçu le prestigieux prix Breakthrough 2024 pour ses travaux sur la construction génétique qui permet de transformer les lymphocytes T du patient en cellules CAR-T.

Les thérapies CAR-T peuvent se montrer d’une efficacité révolutionnaire dans le traitement des cancers du sang, avec des rémissions prolongées et même des guérisons chez des patients avec un pronostic initial pourtant défavorable. Ces médicaments se révèlent d’une formidable précision et sont totalement personnalisés, puisqu’ils sont à chaque fois construits sur les propres lymphocytes T des patients et en fonction des données moléculaires des cellules tumorales.

 

Un essor freiné par le coût et les effets secondaires ?

Formidable espoir pour les patients, leur essor se heurte néanmoins à deux obstacles de taille, d’une part des effets indésirables parfois graves, et d’autre part un coût très élevé.

Si les thérapies CAR-T sont associées à une efficacité généralement spectaculaire en une seule administration, les patients sont exposés à certains effets secondaires, qui peuvent nécessiter une admission en réanimation. Le plus important est le syndrome de relargage des cytokines au cours des deux semaines suivant la perfusion. Les lymphocytes T injectés provoquent une réaction du système immunitaire, avec une production exacerbée de cytokines pro-inflammatoires. Fièvre, douleurs musculaires et articulaires, rash cutané, maux de tête, mais aussi insuffisance rénale, hépatique, pulmonaire ou cardiaque sont à surveiller pour une prise en charge en urgence si nécessaire. D’autres effets secondaires, neurologiques cette fois, peuvent également faire suite à une thérapie CAR-T dans les huit semaines après leur administration.

D’après les récentes données disponibles, le coût d’une thérapie CAR-T s’élève à plusieurs centaines de milliers d’euros (298 622 € pour Kymriah® et 331 048 € pour Yescarta® en 2022). Des coûts importants par rapport aux quelques dizaines de milliers d’euros nécessaires pour une greffe de cellules souches hématopoïétiques (greffe de moelle osseuse), un traitement de référence dans certains cancers du sang.  À l’Institut Gustave Roussy, autorisé depuis 2019 à utiliser les thérapies CAR-T, seulement neuf patients en ont bénéficié jusque-là. Le faible nombre de patients à bénéficier des thérapies CAR-T limite pour l’instant l’impact économique de ces traitements sur le système de santé. En 2022, les thérapies CAR-T n’ont représenté que 2 % de la dépense de médicaments remboursables en France.

L’essor des thérapies CAR-T passe inévitablement par la prise en compte du coût de ces thérapies cellulaires. Les experts estiment que les coûts de production devraient baisser dans les années à venir, permettant l’accès de ces traitements à un plus grand nombre de patients. Actuellement, ces thérapies sont réservées à des patients en rechute ou réfractaires après plusieurs lignes de traitement.

De plus, les thérapies CAR-T pourraient voir leur champ d’application s’élargir dans les prochaines années. Des études sont en cours pour évaluer leur intérêt dans le traitement des tumeurs solides, mais aussi dans le traitement de certaines maladies auto-immunes.

 

Sources

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