Signatures génomiques, quelle est leur place dans la lutte contre le cancer ?

Signatures génomiques, quelle est leur place dans la lutte contre le cancer ?

Les outils de biologie moléculaire développés au cours des deux dernières décennies ont révolutionné et continuent de révolutionner les domaines du diagnostic et de la thérapeutique. Parmi ces outils, les signatures génomiques et les tests génétiques ouvrent la voie à la médecine personnalisée du cancer. Mais la porte leur est-elle réellement ouverte ou reste-t-elle seulement entrouverte ?

Qu’est-ce qu’une signature génomique ?

D’après la Haute Autorité de Santé (HAS), une signature génomique, encore appelée test génomique, est un nouveau biomarqueur, qui quantifie l’expression moléculaire d’un certain nombre de gènes préalablement sélectionnés. Les signatures génomiques sont principalement utilisées actuellement dans le domaine de la cancérologie pour quantifier l’expression de certains gènes au sein d’une tumeur ou dans le microenvironnement tumoral.

Déterminer l’expression de certains gènes au sein d’une tumeur peut permettre d’améliorer voire d’optimiser la décision thérapeutique. Pour cela, les chercheurs développent des algorithmes permettant à partir de l’expression des gènes de calculer un score génomique et de déterminer un seuil de décision clinique. En fonction du score et du seuil, l’équipe médicale détermine la stratégie thérapeutique. 

Les signatures génomiques ont été développées initialement dans le contexte du cancer du sein de stade précoce, et se développent dans d’autres cancers hormonodépendants, comme le cancer de la prostate ou le cancer de l’ovaire. Elles ont démontré leur intérêt dans la décision thérapeutique, en particulier pour permettre une désescalade thérapeutique, sans impact sur le pronostic du cancer. Ainsi, elles pourraient permettre d’éviter une chimiothérapie adjuvante, avec tout le cortège des effets secondaires associés, sans nuire au pronostic de la patiente. Pourtant, leur intérêt et leur utilisation continuent de faire débat.

 

Quatre signatures génomiques disponibles dans le cancer du sein de stade précoce

Dès 2019, quatre signatures génomiques étaient disponibles pour les patientes atteintes d’un cancer du sein de stade précoce. Grâce au dosage de l’ARN messager intra-tumoral, l’expression des gènes impliqués dans la prolifération des cellules tumorales est évaluée, constituant un marqueur de l’agressivité biologique de la tumeur. L’objectif de ces signatures est d’optimiser la décision de chimiothérapie adjuvante, sans pour autant substituer les signatures génomiques aux autres biomarqueurs utilisés pour définir la stratégie thérapeutique.

Dans un rapport d’évaluation technologique publié en 2019, les experts de la HAS reconnaissent la valeur pronostique intrinsèque des signatures génomiques comme des outils complémentaires d’aide à la décision sur le chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein de stade précoce. Ces signatures se révèlent particulièrement pertinentes lorsque les critères habituellement utilisés pour la décision clinique laissent une incertitude quant au risque de récidive. Mais les experts demandent alors de nouvelles données scientifiques apportant des preuves directes de l’utilité clinique des signatures génomiques.

Les signatures génomiques recentrées sur certaines patientes

En précisant que les signatures génomiques devaient être utilisées comme un outil complémentaire d’aide à la décision en cas d’incertitude sur le risque de récidive, les experts avaient limité l’utilisation de ces outils génomiques aux femmes atteintes d’un cancer du sein de stade précoce, sensibles à l’hormonothérapie, de statut HER2 négatif et de grade 2 (grade histopronostique de Elston-Ellis). Fin 2023, suite à la publication de nouvelles données scientifiques, la HAS a encore resserré la population éligible aux signatures génomiques. Désormais, elles ne sont recommandées que pour les femmes ménopausées ou âgées de plus de 50 ans, mais de moins de 70 ans, présentant une tumeur du sein avec un maximum de trois ganglions envahis.

Cette nouvelle restriction d’utilisation et d’accès des signatures génomiques est difficile à comprendre pour nombre de praticiens et de patientes. Mais elle s’explique en partie par une méconnaissance de ces nouveaux outils d’aide à la décision clinique et par un mésusage relativement fréquent des signatures génomiques. Or ces tests sont relativement coûteux (aux environs de 2 000€). Pour l’instant, et en attendant les résultats des études cliniques nécessaires pour statuer sur leur remboursement, les signatures génomiques sont inscrites au référentiel des actes innovants hors nomenclature, et donc remboursées qu’à 50 %. De plus, les établissements de santé disposent d’une enveloppe budgétaire annuelle allouée à ces tests, ne rendant possible la prise en charge que d’un nombre limité de tests. Une fois l’enveloppe utilisée, les tests sont à la charge intégrale des patients.

Les tests génomiques, outils de la médecine personnalisée

Les réticences observées dans le développement et le déploiement des signatures génomiques pourraient freiner l’essor de la médecine personnalisée des cancers, justement basée sur les analyses génomiques. La connaissance précise des caractéristiques moléculaires de chaque tumeur pourrait permettre à terme de :

  • préciser le diagnostic de la tumeur ;
  • prédire la réponse aux thérapies anticancéreuses ;
  • anticiper l’évolution de la maladie ;
  • faciliter la prescription des thérapies ciblées.

Si les signatures génomiques sont d’ores et déjà une réalité dans le cancer du sein, elles pourraient demain être utilisées dans une multitude de cancers, et pourquoi pas dans d’autres maladies chroniques. Actuellement, un programme de recherche mondiale, le programme ICGC (International Cancer Genome Consortium) a pour objectif de caractériser sur le plan génomique plus de 50 types de cancer, justement avec la perspective de développer des signatures génomiques permettant d’orienter la décision clinique et de concevoir des thérapies ciblées de plus en plus pertinentes.

Dans un article publié dans Le Monde le 23 avril 2024, des associations de patients et des praticiens s’inquiètent des difficultés d’accès aux signatures génomiques, et plus largement aux tests génétiques en cancérologie. Les contraintes administratives et financières imposées à ces tests limitent leur accessibilité et donc leur développement et leur utilisation. Elles retardent l’essor de la médecine personnalisée du cancer, pourtant synonyme d’une meilleure efficacité des thérapies anticancéreuses et d’une prise en charge optimisée pour les patients.

Sources

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