Les analogues du GLP-1, entre promesse thérapeutique et risque de mésusage !

Diabète

Les analogues du GLP-1 (Glucagon-like peptide 1) constituent une classe thérapeutique récente, développée initialement pour la prise en charge du diabète de type 2. Mais les essais cliniques vont rapidement dévoiler le potentiel thérapeutique de ces médicaments dans d’autres pathologies. Un potentiel qui non seulement suscite un vif intérêt, mais entraîne aussi un risque majeur de mésusage.

 

Les analogues du GLP-1, un succès thérapeutique et commercial

Les analogues du GLP-1 se fixent sur les récepteurs du GLP-1, une hormone qui régule la glycémie et l’appétit. Ce mode d’action est à l’origine des deux indications thérapeutiques actuelles des analogues du GLP-1, le diabète de type 2 insuffisamment contrôlé et le contrôle du poids corporel dans l’obésité. En France, ils sont pour l’instant autorisés uniquement dans la prise en charge du diabète, alors qu’aux USA ils ont une double indication dans le diabète et l’obésité.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2022, une personne sur 8 dans le monde était obèse. Depuis 1990, les chiffres de l’obésité ont été multipliés par deux chez les adultes et par quatre chez les adolescents. Pour le diabète de type 2, qui représente plus de 90 % des cas de diabète sucré, les chiffres mondiaux faisaient état de 422 millions d’adultes touchés en 2014, soit 8,5 % de la population adulte mondiale. L’obésité et le diabète de type 2 représentent ainsi des marchés mondiaux d’ores et déjà majeurs et avec un potentiel de croissance important, expliquant le succès commercial mondial des analogues du GLP-1 déjà présents sur le marché et à venir.

En France aujourd’hui, déjà six analogues du GLP-1 sont commercialisés, seulement 5 ans après la mise sur le marché du premier médicament de cette nouvelle classe thérapeutique, le sémaglutide. Plus récemment, des chercheurs ont découvert un nouveau médicament très prometteur lui aussi, le tirzépatide. Ce dernier n’agit pas seulement sur les récepteurs du GLP-1, mais aussi sur les récepteurs du GIP (peptide insulinotrope dépendant du glucose). C’est le premier double agoniste des récepteurs du GIP et du GLP-1. Ce médicament a obtenu une AMM en Europe fin décembre 2023 et pourrait bientôt être disponible en France.

 

Un intérêt thérapeutique dans d’autres pathologies ?

Le champ de développement des agonistes du GLP-1 pourrait s’élargir dans les prochaines années à d’autres pathologies. Des essais cliniques sont actuellement en cours pour évaluer l’efficacité thérapeutique et la tolérance du tirzépatide dans d’autres pathologies, en particulier :

  • L’apnée du sommeil ;
  • La maladie de Parkinson et peut-être d’autres maladies neurodégénératives.

De récentes données révèlent que ce médicament pourrait réduire la gravité des symptômes de l’apnée du sommeil de près de deux tiers chez les patients obèses atteints d’un syndrome d’apnée du sommeil. Parallèlement, les études se poursuivent pour évaluer plus finement les effets des analogues du GLP-1 dans l’obésité, notamment sur la perte de poids durable et la reprise de poids à long terme.

 

Une tolérance rassurante…

Les analogues du GLP-1 actuellement autorisés dans le diabète de type 2 et l’obésité pourraient s’adresser à terme à plusieurs centaines de millions de patients à travers le monde. Qu’en est-il de leurs effets secondaires ? Avec une tolérance acceptable à l’issue des essais cliniques, certains signaux d’alerte font l’objet d’études plus poussées. 

Rapidement après leur mise sur le marché, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a été informée d’une augmentation possible du risque de conduites suicidaires et d’automutilation lors de la prise de certains agonistes du GLP-1. L’agence a aussitôt diligenté une enquête et vient de rendre ses conclusions. À la vue des données disponibles actuellement, il n’est pas possible d’établir de lien de causalité entre les agonistes du GLP-1 et les pensées suicidaires et d’automutilation.

Autre signal d’alerte, le risque de cancer thyroïdien. Dans les études de développement clinique, les chercheurs avaient observé une augmentation du risque de cancer thyroïdien chez le rat. Une observation qui avait conduit à contre-indiquer les analogues du GLP-1 en cas d’antécédents personnels ou familiaux de cancer de la thyroïde. Une récente étude menée sur 145 000 patients scandinaves se montre rassurante et ne met pas en évidence de lien significatif entre la prise de ces médicaments et le risque de développer un cancer de la thyroïde.

 

… mais un risque de mésusage majeur !

Marché mondial en plein essor, efficacité thérapeutique avérée ou prometteuse dans plusieurs maladies chroniques, bonne tolérance, … les analogues du GLP-1 semblent promis à un bel avenir. Pourtant, en France, leur utilisation thérapeutique se heurte à un problème de santé publique : le mésusage.

Rappelons qu’en France, les analogues du GLP-1 sont actuellement réservés au traitement du diabète de type 2. Face à la hausse de l’utilisation des analogues du GLP-1 en France et dans le monde, et après déjà plusieurs alertes sur les risques de mésusage de ces traitements, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a créé à la fin de l’année 2023 un comité scientifique temporaire consacré à l’usage de ces médicaments. Comité pluridisciplinaire nommé pour 6 mois, il a la charge d’évaluer l’usage des analogues du GLP-1 en France.

Dès 2022, les autorités de santé publique sollicitaient les médecins et les pharmaciens pour surveiller les prescriptions et s’assurer de leur pertinence. Durant l’été 2022, près de 300 cas de mésusage avaient été signalés par les officines aux centres régionaux de pharmacovigilance.

Le détournement des analogues du GLP-1 expose les patients à des risques potentiels pour leur santé, mais impacte aussi l’accès aux médicaments pour les patients pour lesquels l’analogue du GLP-1 est véritablement indiqué. Face à des tensions d’approvisionnement, l’ANSM avait déjà limité la prescription aux seuls patients déjà traités. Les prescripteurs ne pouvaient plus initier de nouveaux traitements. Désormais, l’ANSM souhaite aller encore plus loinpour lutter contre le mésusage, en reprécisant les contextes dans lesquels ces médicaments peuvent être prescrits et en les limitant aux seuls patients diabétiques de type 2, avec au moins un antécédent cardiovasculaire ou une lésion athéromateuse significative. Les autres patients devront être dirigés vers une autre classe thérapeutique.

Si les projections économiques annoncent un avenir florissant aux analogues du GLP-1, leur prescription et leur usage restent en France strictement encadrés pour protéger la santé des patients et assurer un accès équitable aux traitements.

 

Sources

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