Approbation accélérée des médicaments, autorisation d’accès précoce, quelle efficacité ?

Les innovations thérapeutiques se développent à un rythme important pour répondre à des besoins médicaux nouveaux et/ou insatisfaits. Après 10 à 20 années de recherche préclinique et clinique, les candidats médicaments les plus prometteurs doivent encore passer le cap des procédures administratives avant d’être mis sur le marché et donc d’être disponibles pour les patients. Et ces étapes peuvent sembler très longues pour les équipes médicales et les patients en attente d’une solution thérapeutique. Face à ces enjeux, se sont développées des procédures d’approbation accélérée ou d’accès précoce aux USA et en Europe. Ces procédures sont-elles efficaces ? Fournissent-elles toutes le même niveau d’efficacité et de sécurité pour les patients ?
 

Des procédures d’approbation accélérées pour un accès précoce aux nouveaux traitements

Premiers traitements disponibles pour une maladie orpheline, thérapie anticancéreuse innovante, premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique, … multiples sont les situations où des candidats médicaments très prometteurs sont particulièrement attendus par les équipes médicales et les patients.

Lorsqu’un médicament a passé toutes les étapes des études précliniques chez l’animal et cliniques chez l’homme pour démontrer son efficacité et son innocuité, l’étape des procédures administratives peut paraître bien longue. En général, il faut compter deux à trois ans entre la fin des recherches cliniques et la mise à disposition des médicaments pour les patients.

En France comme aux USA, un médicament à usage humain ne peut pas être administré à un patient sans avoir obtenu au préalable une autorisation de mise sur le marché (AMM) (en dehors du contexte des essais cliniques). Pour accélérer la mise à disposition de certains médicaments, les USA ont mis en place des procédures d’approbation accélérée, tandis que la France s’est dotée de dispositifs d’accès précoce et de procédures particulières d’AMM.

Ces procédures permettent un accès précoce aux médicaments, le temps que les AMM soient définitivement octroyées. En France, elles permettent aussi l’accès aux médicaments entre l’octroi de l’AMM et la définition des conditions de remboursement des médicaments.

L’efficacité des approbations accélérées de médicaments remise en question

Une récente étude s’est penchée sur l’efficacité des approbations accélérées de médicaments par la Food and Drug Administration (FDA), l’agence américaine du médicament. Aux USA, ces approbations accélérées ont été créées en 1992 pour accélérer l’accès aux médicaments contre le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine). Désormais, 85 % des procédures d’approbation accélérée concernent des médicaments anticancéreux, ce qui représentait entre 2013 et 2017 pas moins de 46 nouveaux médicaments. En contrepartie de l’octroi de l’approbation, les laboratoires pharmaceutiques s’engagent à effectuer des tests cliniques complémentaires et à démontrer l’efficacité clinique de leur médicament. 

L’étude révèle que 63 % des médicaments ayant bénéficié d’une approbation accélérée aux USA ont obtenu par la suite une AMM régulière. En revanche, seulement 43 % des médicaments ont démontré leur bénéfice clinique dans les essais cliniques menés après l’approbation accélérée.

Même si les procédures d’approbation accélérée ont fait l’objet d’une récente mise à jour, ces résultats interrogent. Quel est le niveau d’information des patients qui bénéficient de ces médicaments disponibles après une procédure d’approbation accélérée ?  Les médicaments insuffisamment efficaces sont-ils réellement retirés du marché ? Désormais, la FDA aura plus d’autorité pour retirer les médicaments dont l’efficacité clinique reste insuffisamment prouvée, grâce à un processus de retrait simplifié.

En France, un premier bilan positif des autorisations d’accès précoce !

En 2022, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un premier bilan des procédures d’accès précoce aux médicaments innovants, mises en place depuis le 1er juillet 2021. Ces procédures sont accordées par la Haute Autorité de Santé (HAS) après avis de l’ANSM. Près de 100 demandes d’accès précoce ont été déposées entre juillet 2021 et mai 2022, avec un délai de réponse de l’ANSM et de la HAS très court, de 60 jours en moyenne, seulement 35 jours concernant les médicaments contre la Covid-19. Sur les 100 demandes traitées, 50 décisions ont été rendues, et 40 médicaments sont devenus accessibles aux patients grâce à cette procédure. Sur ces 40 médicaments, 15 n’avaient encore obtenu une AMM.

Les deux domaines thérapeutiques les plus concernés par les demandes d’accès précoce étaient l’oncologie / hématologie, suivi de l’infectiologie.

Si le bilan des procédures d’approbation accélérée est plutôt négatif, la France dresse un bilan positif de ses autorisations d’accès précoce. Faut-il voir dans ces données un écart d’évaluation des médicaments entre les USA et l’Europe ? Si les demandes d’AMM européennes suivent généralement les demandes d’AMM aux USA, il semblerait que les instances européennes soient plus exigeantes que les instances américaines, en tout cas dans l’évaluation des médicaments anticancéreux. Une récente étude publiée dans la revue scientifique JAMA Oncology révèle en effet que moins d’un tiers des thérapies anticancéreuses ciblées récemment approuvées par la FDA répondent aux critères européens de bénéfice clinique formulés par l’European Society of Medical Oncology (ESMO). L’approbation accélérée ou l’accès précoce aux médicaments innovants facilitent l’accès des patients aux traitements, mais ces procédures doivent tout de même garantir aux patients l’efficacité et l’innocuité des médicaments concernés !

Sources

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