Suite à la rentrée 2023, l’Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France (ANEPF) dresse un nouveau bilan de ses effectifs. S’il est moins alarmant que l’année précédente, il reste préoccupant. En effet, le bilan 2022 faisait état de 1 100 places vacantes en deuxième année, alors que celui de 2023 en comptabilise 471. Cependant, pas de quoi relâcher les efforts selon l’organisation.
En effet, au 1er janvier 2023, la France comptait 73 795 pharmaciens, soit une baisse de 0,3% par rapport à l’année précédente et conjoncturelle puisqu’elle s’observe depuis 2016. De plus, si l‘âge moyen des pharmaciens se stabilise autour de 46 ans, l’augmentation de la part des 60 ans et plus, passant de 12% en 2012 à 19% en 2022 pose la question de la relève, une fois ces professionnels partis en retraite. Le nombre de jeunes pharmaciens sera-t-il suffisant pour “compenser” ces départs et répondre aux besoins pharmaceutiques de la population ?
Pour comprendre les causes de ce “désamour”, l’une des explications avancées est l’évolution du parcours accès d’accès aux études de pharmacie. En effet, le PACES a laissé place à 2 concours. D’une part, le PASS (Parcours Accès Santé Spécifique), est une première année d’études avec une majeure en santé et une mineure généraliste (mathématiques, lettres, physique…). D’autre part, la LAS (Licences à option Accès Santé) est, de son côté, est une licence universitaire “classique” avec une option “Accès Santé”. Son objectif est de permettre aux étudiants de suivre une formation plus généraliste tout en gardant la possibilité d’accéder aux études de santé. Cependant, ces deux branches distinctes sont autant de complications et de perte de lisibilité pour les potentiels étudiants.
En complément, le système de numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus. Désormais, un nombre minimum d’étudiants est acté chaque année par les universités et en collaboration avec les Agences Régionales de Santé (ARS), en fonction de leurs capacités d’accueil et des places disponibles. Cependant, certains freins peuvent persister comme l’obligation d’obtenir la moyenne aux examens sans rattrapage, et ce dans le cadre d’un programme toujours plus dense, ou encore la mise en place de notes-seuils, éliminatoires, pour certaines universités. Cette liberté laissée aux institutions implique donc une moindre clarté et des conditions particulières à décrypter pour les étudiants.
En parallèle, le secteur souffrirait également d’une image réductrice. En effet, selon Carine Wolf-Thal, président du Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, “quand on pense au pharmacien, on imagine trop celui qui travaille en officine et vend du paracétamol et du shampooing. Alors qu’un pharmacien peut travailler dans le secteur de la distribution, à l’hôpital… » partage-t-elle au Figaro.
Face à cette situation, le CNOP (Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens) souhaite mettre en place différentes actions de communication pour améliorer l’attractivité de la profession. En parallèle, “une étude prospective destinée à modéliser les tendances démographiques à l’horizon 2050” va être mise en place.
La direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES), quant à elle, avait publié dès 2021 un dossier “Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ?”. Le nombre de pharmaciens inscrits à l’Ordre devrait d’abord baisser légèrement jusqu’en 2027, pour ensuite augmenter à nouveau. Le modèle estime ainsi une augmentation du nombre de pharmaciens de 12% entre 2021 et 2050. Cependant, il est à noter que cette modélisation s’appuie sur des hypothèses de comportements et de législation constants, et des crises sanitaires comme celles que nous avons vécues ces dernières années pourraient venir chambouler ces prédictions.
Face à une baisse inquiétante des effectifs et à une image professionnelle parfois réductrice, la question de la revalorisation du métier de pharmacien en France est un vrai sujet d’actualité. Alors que les instances se mobilisent pour améliorer l’attractivité de la profession, l’enjeu demeure de taille : assurer une relève qualifiée pour répondre aux besoins d’une population vieillissante, tout en s’adaptant aux incertitudes sanitaires et législatives à venir.