Après cinq mois d’investigation et plus de cinquante auditions d’acteurs de la santé, le rapport final de la Commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française met en lumière une situation préoccupante qui nécessite une attention immédiate.
L’hiver 2022 : genèse de la commission
L’hiver 2022 a été marqué par une triple épidémie, Covid-19, grippe et bronchiolite, qui a entraîné une tension significative sur plusieurs médicaments. Au-delà, cette situation a mis en lumière une problématique plus profonde. En effet, les pénuries de médicaments sont une réalité croissante depuis 2018, atteignant un niveau record en 2022 avec plus de 3 700 signalements de rupture de stock, ce qui a des implications majeures pour la santé publique et soulève des questions sur la capacité de la France à répondre aux besoins de santé de sa population. En 2023, ce sont même 37% des Français qui ont déclaré avoir été confrontés à des pénuries de médicaments, une proportion significative qui souligne l’ampleur du problème.
Et si toutes les classes thérapeutiques sont concernées, le phénomène touche avant tout les médicaments anciens, ceux qui ont fait leurs preuves et sont largement utilisés.
Causes multiples, mesures insuffisantes
Le rapport de la commission du Sénat identifie plusieurs causes à ces pénuries en chaîne. Parmi elles, le “déclin de la production française” est cité, qu’il s’agisse de médicament mature ou de médicament innovant. Cette diminution de la production nationale a des conséquences directes sur la disponibilité des médicaments sur le marché français.
De plus, la concentration de la production est également mise en avant. Les laboratoires dépendent de quelques fournisseurs asiatiques, eux-mêmes fortement dépendants de la sous-traitance. Cette dépendance “augmente les risques de rupture d’approvisionnement et limite la visibilité sur les différents maillons de la chaîne”, selon le rapport.
En outre, la forte rentabilité des produits innovants se construit souvent au détriment des produits matures. Ce changement quantitatif est déjà une réalité, et contribue largement aux pénuries de médicaments. Ainsi, jusqu’à 70% des déclarations de rupture concernent des médicaments dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) a été octroyée il y a plus de dix ans.
De plus, les industriels pharmaceutiques français envisagent d’abandonner la production de près de 700 médicaments, incluant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), ce qui renforce les inquiétudes pour la continuité des soins en France.
Réponses politiques et industrielless
Pour tenter de réguler la situation, de nombreuses actions et obligations ont été mises en place depuis 2010. Cependant, selon le rapport, ces obligations sont toutefois inégalement appliquées et insuffisamment contrôlées : “les plans de gestion des pénuries (PGP) transmis à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont
de qualité très inégale ; les stocks ne sont pas véritablement contrôlés par l’ANSM. Les moyens dont dispose l’Agence apparaissent très insuffisants pour lui permettre de traiter les données”.
En effet, les pouvoirs de sanction confiés à l’ANSM sont également trop peu utilisés. Pour preuve, l’ANSM n’a pris que huit décisions de sanctions financières entre 2018 et 2022, et aucune n’a été prise pour le motif d’une violation des obligations d’élaboration d’un PG ou de constitution d’un stock de sécurité.
36 recommandations pour reprendre le contrôle
Face à ce constat sévère, le rapport propose 36 mesures pour lutter contre la pénurie de médicaments. Parmi elles, l’importance de mieux anticiper et prévenir les risques de pénurie, de restaurer la confiance entre les acteurs de la chaîne du médicament et de s’attaquer aux causes structurelles des tensions et ruptures. Ces propositions, si mises en œuvre, pourraient contribuer à atténuer la pénurie de médicaments en France et garantir un approvisionnement stable et fiable pour les professionnels de la santé et les patients.
Si la situation actuelle de la pénurie de médicaments en France est alarmante, des solutions et des recommandations existent pour sortir de l’ornière et garantir un approvisionnement stable en médicaments pour tous les Français. Et L’avenir de la santé publique en France dépend en grande partie de la capacité du pays à répondre efficacement à cette crise.
